C'est avec délice que je viens de relire une des histoires de ce recueil de 16 nouvelles, mordantes, piquantes, acides, bref méchantes en définitive mais d’une féroce lucidité sur la vie en société. Je suis charmée, subjuguée, amusée aussi par tant de talent!
Chacun des récits de Dorothy Parker est une petite merveille, une caricature finement ciselée, sèche et claquante à souhait qui, comme un projecteur, illumine certains ridicules des couples dans leur vie mondaine ou restituent leurs pensées sombres et secrètes derrière les apparences policées et souriantes. Mon précédent billet ICI
M. Wheelock est occupé à couper la haie de son jardin. Mme Wheelock est assise sous le porche impeccable de leur charmante maison en stuc. Elle recoud des boutons.Leur fille, âgée de cinq ans, joue tranquillement sur le chemin de gravier qui traverse la minuscule pelouse.Ils se parlent de choses et d’autres et se sourient de temps en temps. C’est une charmante et tranquille soirée d’été.Mme Cole, une voisine, douce mais stérile, qui passe au bras de son mari, reste un moment à contempler la scène et, soupirant avec volupté, s’exclame:«Quel joli tableau!»
Oui mais voilà: contrairement à nous, lecteurs, elle ignorait les pensées secrètes qui agitaient chaque membre de ce charmant trio! Elle se serait enfuie rapidement! "Oh! et puis zut!" Vite demi tour!
Quel joli petit tableau. (1922)Dorothy Parker (Thirteen Short Stories.) Mauvaise journée demain
Qui est Dorothy Parker? Écrivain et chroniqueuse, (1893-1967) elle fut, durant l'entre-deux-guerres, une des plumes les plus redoutées de la scène critique et intellectuelle new-yorkaise. Elle fut l'amie des Fitzgerald, de Dos Passos, Hemingway, Gertrude Stein, ou de Louise Brooks et mourut seule dans un hôtel de Manhattan. Elle avait proposé pour son urne funéraire l'épitaphe: «Pardon pour la poussière.»