Dans mon dernier billet, je voulais parlais de ce qu'une blogosphère peut encore espérer accomplir, maintenant que le sarkozysme semble être en déroute. Bien entendu, le sarkozyme n'est pas en déroute. Bien entendu, Sarkozy a les pleins pouvoirs pendant encore quatre ans.
Hier je parlais de l'opportunité, pour les blogs de gauche, de se lancer dans l'élaboration d'un ou des projets, des contre-propositions. J'avais l'intention de parler aussitôt de la question cruciale qu'est la popularité de François Fillon, mais je me suis laissé aller à des réflexions plus générales, et puis le moment de cliquer sur "Publier" est arrivé et je n'avais toujours pas parlé de François Fillon. Du coup, le prétexte de deux billets est le même. Je me permets ainsi de me citer pour relancer la question :
Depuis quelques jours, j'ai commencé à prendre la mesure de la disgrâce de notre pauvre petit Très Grand Homme (TGH). Les publicités pour un magazine de gestion invite ses lecteurs à s'inspirer de certaines des techniques de Sarkozy, mais surtout à en éviter d'autres. Même Le Monde, qui jusque là essayait d'expliquer pourquoi la chute de popularité de Sarkozy était injuste, semble avoir enfin accepté l'idée que l'impopularité du Président est devenue une réalité sociale et politique incontournable. Et en même temps, les blogs vigilants montent, les grands blogueurs du sarkozysme inévitable prennent peur.
L'effet secondaire et inattendu de la chute de Sarkozy dans les sondages, c'est donc la popularité paradoxale du premier ministre. Fillon lui-même n'est pas inquiétant, ou seulement pour le Très Grand Homme (TGH). Je ne pense pas qu'il ira très loin avec sa popularité. Son rôle semble être, depuis le début, celui d'une pom-pom girl UMP, ce que prouve sa dernière sortie sur la gauche, qui aurait créé un "climat de quasi guerre civile" (merci à Marc).
Comme le disait dans Le Monde (via Juan), une dame de droite, Sophie de Menthon, présidente d'une association patronale, qui avoue avoir voté pour Sarkozy et qui se dit aujourd'hui "déçue"
Ne vous y trompez pas : la popularité de votre premier ministre n'est pas un plébiscite de votre politique, c'est un satisfecit de sa "bonne conduite".
Je pense que Madame de Menthon a raison, mais ce n'est pas encore une évidence qui s'impose. L'idée que la popularité de Fillon valide la politique de Sarkozy n'est pas morte! Dans un édito très critique du TGH, Libé insiste assez lourdement sur le fait que c'est la personnalité même de Sarkozy qui est en cause, bien plus que sa politique :
Il y a un an, les Français ont écarté Ségolène Royal parce qu'ils ne la croyaient pas faite pour l'Elysée. Et voici qu'aujourd'hui celui qu'ils ont plébiscité se retrouve frappé de la même condamnation. Cette situation est sans précédent. C'est en effet l' homme, et non telle ou telle de ses décisions ou de ses ambitions, qui est en cause.
Cette ultra-personnalisation de la chose, ce qui est tout d'abord le fait de Sarkozy lui-même et de son plan de communication depuis le début, a pour effet pervers de protéger curieusement la politique que Sarkozy prétendait défendre. J'attends, patiemment, le jour où nous entendrons : "oui, Sarkozy est un guignol... l'urgence c'est d'appliquer son programme, celui pour lequel il a été élu". Si j'avais de meilleures fréquentations, je l'aurais peut-être déjà entendu.
Or, le problème, c'est que les Français n'ont pas élu un programme, mais un ensemble de promesses rendues, apparamment, crédibles grâce à la miraculeuse personnalité du TGH : "ce que j'ai dit, je le ferai" ; "je ne vous trahirai pas" ; "les mots ont un sens". Et c'est sans doute pour cette raison que ces mêmes Français indécrottables ne croient plus que ce gouvernement pourra faire quoi que ce soit sur le plan du pouvoir d'achat (toujours selon Libé) :
en 2008, ce qui compte, ce sont les réformes, la bonne cote du Premier ministre démontrant qu'elles ne sont pas en cause. Cette explication est contredite par l'enquête LH2-Libération, qui montre que les Français ne croient plus ce gouvernement en mesure d'améliorer leur pouvoir d'achat.
Si les blogs peuvent faire quelque chose en politique (Nicolas J. nous rappelle que leur influence est marginale), ce serait pas mal d'insister sur le lien entre Sarkozy le bonhomme et l'ensemble des idées sarkozystes. Pour éviter que Fillon puisse incarner le sarkozysme sans Sarkozy.