DES NOUVELLES D'ALAIN
Quatrième de couv':
Alain Keler est reporter-photographe.
Quand on lui demande de ses nouvelles,
il donne des nouvelles des Roms
qu'il visite au volant
de sa vieille Skoda.
Regardez les photos, laissez-vous
raconter ce qu'il y a dessus; c'est l'histoire
de l'Europe d'aujourd'hui, vue depuis
les fenêtres sans vitres d'une caravane
sans roues.
Deux ans de travail sur les Roms qui tombent en pleine actualité. Après le choc du Photographe par le duo Guibert/Lemercier, le nouveau roman graphique avec un photoreporter, Alain Keler.
J'avais eu une sacrée révélation et un vrai coup de coeur avec la BD-photo Le photographe, signée Emmanuel Guibert et Didier Lefèvre. Quand j'ai vu que cette BD était sur le même principe, et signée Guibert de nouveau, je n'ai pas hésité!
Bien sûr, qui n'a pas en tête ces gens du voyage qui vous abordent pour une pièce et vous assomment par leur chant dans le métro, dont vous vous détournez quand leurs femmes veulent vous dire la bonne aventure, et qu'on associe systématiquement aux Roumains, avec ce mépris qui, finalement, porte atteinte à tout un peuple de façon erronée.
Qui connaît l'histoire des Roms? Leur réalité? Les associations qui se bougent pour défendre leurs droits? J'ai trouvé ce récit très instructif à bien des égards.
"Les Roms sont entre douze et quinze millions sur le continent européen, entre sept et neuf millions dans l'Union européenne. (Ces chiffres de l'European Roma Rights Center sont une estimation.)
Ils portent des noms variés:
"Roms", inspiré de l'hindi (Inde), signifie hommes. [...]
Une origine indienne, c'est l'hypothèse sur laquelle s'accordent la plupart des ethnologues. En voici les grandes lignes:
Dans l'Inde brahmanique, les bûcherons, bouchers, équarrisseurs, tanneurs, fossoyeurs, éboueurs, chiffonniers [...] exercent des métiers considérés comme impurs. Ils n'ont pas le droit d'être sédentaires et sont hors castes.
De l'Inde, ces groupes migrent vers le plateau iranien et l'Asie centrale. [...] Avec la Horde d'Or et Tamerlan, les Roms parviennent en Europe, en Anatolie et aux portes de l'Egypte. [...]"
Bien sûr, un tel reportage n'est pas des plus aisés.
"Il m'arrive souvent de penser que si un inconnu sonnait chez moi, entrait et commençait à photographier ma chambre à coucher, je le foutrais sans doute à la porte, moi aussi."
Alain Keler a un but très précis en signant cet album: rétablir la dignité de ces gens aux yeux du monde,
"Laisser les plus faibles à l'abandon, c'est toujours régresser. S'en prendre à eux, c'est toujours se dénaturer. L'idée qu'il existe, en Europe, des êtres différents des autres, parasites, voleurs, trafiquants, feignants, sales, irrécupérables, est largement répandue. Elle ne date pas d'hier. On l'entend partout, en toutes langues, à plus ou moins haute voix. [...] Dans ce contexte, stigmatiser, c'est poignarder. Généraliser les accusations, identifier une communauté à un problème, monter en neige la peur et les bas instincts, c'est poignarder. [...] Les solutions passent d'abord par les constats et pour constater, il faut aller voir de plus près. C'est ce que je fais, à mon rythme, selon mes moyens. [...]"
Une démarche touchante, comme toujours avec ces reportages, on n'a pas grand-chose d'intelligent à dire, on ne peut que recommander ce livre autour de soi, surtout, si comme moi, on a beaucoup à apprendre sur le sujet. Ce qui me touche particulièrement, ce sont ces gens qui ont assez de volonté et d'espoir pour essayer d'attirer l'attention et apporter l'aide qu'ils peuvent à une cause a priori perdue car elle laisse relativement indifférent.
"Pourquoi suis-je ici, où rien ne se passe, à prendre des photos que personne n'attend?"