Il fait glacial à Jérusalem, c'est l'hiver en Orient! Les amandiers bourgeonnent, mais dans les rues de Jérusalem, les passants engoncés dans des doudounes cherchent une improbable terrasse chauffée, et sortent bottes en fourrure, bonnets et mitaines. Lancée en vélo dans une longue descente le long du trajet du tramway, je recroqueville mon cou dans mon uniforme, rêvant d'un thé et du retour de l'été.
Et 2012 n'est pas de tout repos. La région semble parfois vivre au jour le jour, entre rumeurs d'une potentielle frappe en Iran, quelques soubresauts électoraux en Egypte, et le bruissement médiatique autour d'une reprise avortée des négociations avec l'Autorité Palestinienne. Les Israéliens, comme toujours, rabrouent le sentiment pernicieux d'un présent figé dans l'attente d'un trait d'humour noir. La nouvelle publicité du fournisseur de réseau HOT israélien a provoqué l'hilarité générale, avant de faire beaucoup jaser les journalistes internationaux.
Les protagonistes de la série phare de la télévision israélienne, Asfur, s'y rendent en Iran déguisés en femmes - une référence évidente ici à l'opération légendaire à laquelle participa Ehud Barak contre des terroristes de l'OLP à Beyrouth dans les années 70 - mandatés par les services secrets détecter un internaute adepte de la série, qui s'avère être un agent du Mossad dont l'iPad est doté d'applications "explosives"... Une blague apparemment difficilement partagée avec les correspondants étrangers, dont certains n'ont même pas rit jaune.
Après une semaine loin de chez moi, j'achète à prix d'or le magazine du New York Times dans un stand de la station centrale de Tel Aviv, et monte enfin dans le bus vers Jérusalem. Mes écouteurs vissés sur les oreilles - rock psychédélique anglais - je m'absorbe dans la lecture de l'article central, exceptionnel de qualité, qui pose la sempiternelle question, "Israël attaquera-t-il l'Iran?". Ce n'est qu'en dépassant la dernière jonction avant la ville que je réalise que mes voisins du bus commentent l'objet de ma lecture, en arabe. Ils sont jeunes, étudiants surement, ils ont un look très israélien. J'écoute les mots qui coulent de leurs lèvres, leur conversation mystérieuse dont je ne comprends que quelques mots et noms. Tout de cette langue est extérieur, elle se croise au détour d'une rue, dans un café, bruisse dans le tramway, et s'éteint dès la descente du bus - comme on coupe le son. Sur une télévision de la station de Jérusalem, une équipe d'acteurs israéliens explose une usine iranienne avec une application pour iPad, et je trouve l'idée plutôt drôle.