Fiche technique :
Avec Avec Alexis Arquette, Jill St John, Julie
Brown, Larry Sullivan, Ray Baker, Sirena Irwin, Steve Braun et David Mixner. Réalisation : Miles Swain. Scénario : Miles Swain. Image : Charles Barbee & Scott Kevan. Musique : Steven Chesne.
Durée : 95 mn. Disponible en VO et VOST.
Résumé :
Alan (Larry Sullivan) est un jeune journaliste débutant, républicain et conservateur. Il travaille à son premier livre, un
traité sur les aspects négatifs de l'homosexualité. Il garde la sienne soigneusement cachée. Pour se documenter, il parcourt la Californie en interviewant des gays. Tommy, blond et très sexy
(Steve Braun), est avocat et surtout un militant gay doté d’un solide sens de l'humour.
Les deux jeunes hommes se rencontrent lors d'une fête en 1973. Bien malgré lui, Alan finit par succomber au charme de Tommy.
Les deux hommes vivent heureux ensemble pendant quatre ans, jusqu’au jour de la parution du livre d'Alan. Tommy, dégoûté, par ce qu’il y découvre quitte alors Alan. Mais le destin n'en a pas
fini avec eux...
L’avis de Bernard Alapetite
:
Sur la longue route de la vie, tout peut arriver ! C’est la première leçon de cette production pleine d’émotion, aux moyens
modestes, mais ambitieuse. The Trip nous raconte onze années de passion entre deux hommes, une romance où s'entrecroisent politique, sexe, humour, farce et
tragédie. Un tel film nous fait prendre conscience combien peu sont ceux qui réussissent à mêler aux péripéties d’une vie, les grands et les petits événements de l’histoire qui parfois
bouleversent ces destinées individuelles et qui, toujours, sont le décor dans lequel nos existences cahotent. The Trip c’est un peu un Forrest
Gump gay.
Miles Swain nous offre dix ans de l’histoire de l’Amérique vue du coté gay avec une légèreté remarquable grâce surtout aux dialogues aussi brillants que drôles, en particulier dans les dix
premières minutes. Le réalisateur fait commencer son œuvre dans la pure comédie de texte pour la continuer dans l’émotion. Un film qui, comme souvent la vie, est un rire qui vire aux
larmes.
Nous revisitons ce monde des années 70 et 80, période qui a vu tout changer pour les homosexuels, par d’habiles inserts de bandes d’actualité dans la narration. On y croise des grandes
figures de la scène gay américaine d’alors, comme Anita Bryant, la pasionaria de la croisade contre les homosexuels, Harvey Milk le premier politicien gay américain... qui finit
assassiné. Swain nous donne sans en avoir l’air une leçon d’histoire, sans pédantisme et sans jamais perdre de vue son fil conducteur, la love story de ses deux amoureux hétéroclites. Tout
cela est tissé avec beaucoup de tact et de sensibilité.
Elle a été longue cette histoire de la libération des gays, toujours inachevée, beaucoup d’entre nous ne la connaisse pas ou ont voulu l’oublier trop vite. Pourtant que de combats, que de
coups, que de douleur et puis quand cela paraissait presque gagné, il y eut cette maladie que presque tous n’ont pas voulu voir. Pour bon nombre, ils ont été écrasés par ce rocher de Sisyphe
qui a dévalé presque en bas de la pente alors qu’ils avaient eu tant de mal à le hisser. Mais d’autres ont poursuivi l’effort, et le rocher de la liberté, poussé par une foule de héros
anonymes, s’est mis à remonter la pente. C’est d’un de ces tournants du chemin escarpé que nous contemplons ce beau film, The Trip, qui nous fait nous souvenir que
la route a été dure et quelques fois belle.
Sur un ton primesautier Swain, dont on attend avec impatience la deuxième réalisation, ne nous parle pas moins de choses aussi graves que la vérité que l’on se doit à soi même, de la
fidélité, de la trahison, de la mémoire, du sida, de la difficulté de mettre en accord le public et le privé...
Il tendra pour certains anciens le miroir où ils verront leur jeunesse. On s’aperçoit combien l’idéal masculin, représenté ici par Tommy, a changé. Il est à parier qu’aujourd’hui, un garçon
lui ressemblant avec ce corps longiligne aux forme douces et tendres, ce beau visage à la douceur presque enfantine, encadré de longs
cheveux blonds, que cette silhouette boticellienne, ne
susciterait guère l’engouement qu’elle pouvait provoquer vers 1975. C’est jusqu’à l’incarnation de nos désirs que la route aura modifiée...
Si vous êtes né vers 1950, The Trip aurait pu être votre histoire... de l’autre côté de l’Atlantique. Cinéaste français, généralement de bien peu d’imagination, il
serait très facile d’adapter ce beau scénario à notre contrée. Alan se nommerait François. Il militerait en loden vert chez les jeunes giscardiens tandis qu’Alan s’appellerait Patrick et
serait un activiste du FHAR...
Swain aurait pu écrire des dialogues brillantissimes, nous donner un travelling la vie gay nourri par un vrai travail de recherches, nous offrir une reconstitution de ces années enfuies sans
une erreur, réinterprétées par un vrai œil de cinéaste comme il le fait, mais rien de ceci serait opérant s’il n’avait pas eu le talent de faire incarner ses deux héros par des comédiens
exceptionnels dont on comprend mal la modeste notoriété. Larry Sullivan et Steve Braun, comme Alan et Tommy, provoquent une alchimie qui habite l'écran dès qu'ils y apparaissent ensemble. On
sent un vrai amour et un grand respect des acteurs pour les personnages qu’ils jouent. C'est ce duo qui fait fonctionner le film parfaitement.
Il est amusant de noter qu’une partie de The Trip a été tournée à Falcon Air, la dernière maison de Rudolphe Valentino qui fut occupée ensuite par Gloria
Swanson.
Le dvd contient en bonus des scènes coupées et un petit making of sympathique.
Ces louanges ne doivent pas dissimuler que la réalisation n’est pas particulièrement inventive, que certains personnages de second plan
sont à la fois insuffisamment développés et trop caricaturaux et que le choix de tirer les situations vers la comédie parait quelques fois un peu forcé, mais ce ne sont que vétilles face à
l’émotion qui nous étreint devant ce film.
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