Fiche technique :
Avec Elodie Bouchez, Stéphane Rideau, Pascal Cervo, Mezziane Bardadi, Romain Auger, Salim Kechiouche, Mohammed Dib, Hasan Akyurek, André
Bouvard, Aurélien Morel et Paul Morel. Réalisation : Gaël Morel. Scénario : Catherine Corsini & Gaël Morel.
Montage : Catherine Schwartz. Directeur de la photographie : Jne Lapoirie.
Durée : 86 mn. Disponible en VF.
Résumé :
Fils d'ouvriers, Quentin obtient le succès avec son premier roman. Il a pour amis le costaud et charismatique Jimmy et Julie, une jeune fille
issue de la bourgeoisie. Samir, un jeune beur, s'éprend de Quentin, qui se refuse à lui mais veut en faire le héros de son prochain livre.
L’avis d’Olivier
Nicklaus :
Gaël Morel revisite la mythologie de l'absolu de l'adolescence avec une caméra physique et sensuelle. La grâce est avec lui.
Le titre exprime la frénésie des quatre protagonistes à consommer, voire consumer, leur jeune existence. Comme si, à l'instar de James Dean,
Raymond Radiguet ou Jim Morrison, il fallait se
dépêcher de vivre parce que la fin est proche. Une précipitation qui les pousse dans les bras l'un de l'autre, les sépare prématurément, les fait foncer en moto, et les promeut écrivain en un
seul livre.
Sur un scénario linéaire comme une piste de 100 mètres, Gaël Morel développe un romantisme fiévreux déjà remarqué dans ses courts métrages, une capacité à saisir l'épiderme des choses et,
au-delà, ce feu intérieur qui consume les êtres vulnérables.
Cliché que cet absolu de l'adolescence ? Gaël Morel ne s'embête pas avec cette question. Il s'empare de ce thème et lui insuffle un lyrisme galvanisant et contagieux. Son cinéma physique,
sensuel, intuitif semble nourri par des cinéastes américains comme Nicholas Ray (La Fureur de vivre), à l'écart d'une tradition française de cérébralité bavarde. Son talent est
de ne pas traiter ces tourments adolescents dans un décorum sombre et claustrophobe, pléonasme que commettent tant de ses condisciples. La lumière de Jeanne Lapoirie idéalise les coteaux de vigne
du
Beaujolais aussi bien que les corps des quatre interprètes. Ce ne sont plus des personnages, mais des héros, des statues, à l'instar – et toutes proportions gardées – des
James Dean (pour
Pascal Cervo),
Marlon Brando (pour Stéphane Rideau),
Sal Mineo (Meziane Bardadi) ou
Natalie Wood (Elodie Bouchez).
Les adultes sont évacués. Gaël Morel, qui avait 24 ans le jour de la sortie d'À toute vitesse, filme des acteurs de son âge, dans un troublant effet-miroir. Si la caméra frôle
le visage de Julie pour y capter tout un nuancier de sentiments, elle ne dévoile jamais son corps. La représentation des garçons en revanche est très homo- érotique. Surtout Stéphane Rideau
souvent torse nu, qu'il boxe ou qu'il rappe avec la souplesse d'un félin. Un personnage en rupture sociale, mais auquel le regard de l'auteur rend toute sa dignité en soulignant sa beauté brute,
sauvage et amère.
La mise en scène frappe par sa maîtrise, son élégance. Gaël Morel n'hésite pas à pousser les scènes à leur paroxysme, à filmer ses personnages en mouvement, crescendo, jusqu'au drame. Mais il
sait aussi se poser sur un visage ou une phrase au moment crucial. C'est cet aplomb dans le filmage qui contrebalance la naïveté de certaines scènes trop écrites. Comme celle où la voix d'Elodie
Bouchez commente off son personnage. Ou quelques maladresses quand il s'agit d'enfoncer le clou de la récupération sociale (« Ils chialent devant Le Petit criminel, mais
ils ne feront jamais rien pour ceux qui veulent s'en sortir »). Dans son obstination à traiter l'absolu sans recul, Gaël Morel laisse forcément quelques plumes. Mais le culot gomme le cucul,
et le dernier quart d'heure, bouleversant, balaie les réserves.
D'aucuns ne manqueront pas de tracer des parallèles avec le cinéma d'André Téchiné, au motif que Gaël Morel s'y est fait connaître comme acteur. Une référence à la fois écrasante et paresseuse.
Si on ne peut nier quelques similitudes (le casting, le décor naturel, des thèmes comme l'homosexualité douloureuse, la tourmente romanesque, la perte de l'intégrité au contact de la capitale),
on pourrait tout aussi bien citer Cyril Collard (le métissage sexuel et racial, le tropisme méditerranéen, la symbolique du sang, l'urgence de vivre). Comme Collard d'ailleurs, Gaël Morel n'élude
pas la part d'ombre du destin de ses héros, mais il offre dans le même temps des raisons de se réjouir.
Ainsi, cet optimisme sur les rapports entre des adolescents que tout oppose ou le personnage de Kamel, beur griffonnant des poèmes au fond de la cave de sa cité. On est plus près du fantasme que
du documentaire. Mais c'est comme les pactes d'amitié éternelle pour lesquels on échange son sang : il faut y croire pour que ça marche.
Pour plus d’informations :