Magazine Cinéma
[ AVANT-PREMIERE ]
Auteur de génie + réalisateur sensible + thématiques fortes = clés qui ouvrent la porte du succès? Oui, et non. Pourtant, c’est clair qu’il y a du bon, même du très bon, dans l’adaptation du livre de Jonathan Safran Foer que nous offre Stephen Daldry. Le deuil d’Oskar Schell, gamin atypique de 9 ans, qui a perdu son père adoré (et parfait) dans les attentats du 11 septembre est revisité avec beaucoup de cœur par le réalisateur de Billy Elliot et The Hours. Il trouve chez l’acteur Thomas Horn une palette incroyable d’émotions justes liées au deuil (la colère, le choc, le déni), révélant un jeune comédien impressionnant comme il l’avait fait quelques années plus tôt avec Jamie Bell. La manière dont le cinéaste épouse le point de vue du garçon est intense, et recherchée : transformant la ville de New-York en un patchwork de sensations, de bruits et d’odeurs, isolant les détails pour mieux capter l’ensemble de sa fureur, de son énergie, de sa générosité.
La quête d’Oskar (trouver ce qu’ouvre une clé laissée par son père- Tom Hanks- persuadé qu’il y trouvera un message et un sens à sa mort) prend tour à tour des virages cocasses (ces rencontres un peu folles qui se cachent derrière chaque porte), des accents tragiques (séquences bouleversantes d’affrontement avec la mère), des teintes pleine de tendresse (avec ce mystérieux vieil homme mutique avec qui Oskar sympathise). C’est surtout chez ses seconds rôles, Max Von Sydow, Viola Davis et Sandra Bullock, que Daldry puise le meilleur: justesse et pudeur. Hélas, on ne peut pas en dire autant de l’emballage. Le pire, peut-être, est cette musique (signée Alexandre Desplat) qui vient souligner et noyer chaque action, chaque larme. Omniprésente, elle dessert le film. L’exact contraire de Philip Glass sur The Hours, en quelque sorte. Ces violons incessants, Daldry s’y abandonne également dans sa mise en scène, dans des instantanés cucul regrettables : un plan fixe final attendu, un montage facile, quelques manipulations lacrymales. Cela ne gâche en rien l’immense plaisir que l’on prend à suivre cette histoire, sauvée d’une profonde noirceur par le regard de l’enfant. Mais de là à donner l’Oscar à Oskar… Pas vraiment.
Sortie : 29 février 2012.