Ce qu'il faut comprendre de François Hollande et sa laïcité (excellent point de vue de Koztoujours)

Publié le 28 janvier 2012 par Sylvainrakotoarison

(blog)

Voic un excellent commentaire sur la position de François Hollande sur la laïcité, par un avocat chrétien, que je me permts de retranscrire ici.
Laïcité, islamophobie, euthanasie : Hollande rallume la guerre religieuse
Koztoujours, tu m'intéresses !
Posted: 28 Jan 2012 03:41 AM PST
Les socialistes sont des gens bizarres. Mes parents me le disent bien souvent et, avant eux, mes grands-parents le disaient déjà. Je n’ai pas toujours voulu le croire. Parce que j’ai aussi des amis socialistes et que eux aussi ont des côtés normaux. Mais là, François Hollande me surprend. Il fait l’inverse de ce qu’il dit, c’est-à-dire tout comme Sarkozy. Il pointe des bouc-émissaires faciles pour souder son camp, il clive, il divise. Il devrait incarner le président rassembleur, mais il rallume la « guerre religieuse ».
Les socialistes au Sénat, notez, ce n’est pas mieux. C’est ce qui m’inquiète : d’un syndrome personnel, on passe au symptôme collectif. Puisque vous étiez là, comme moi, les années dernières, vous vous en souvenez : les socialistes n’ont eu de cesse de dénoncer l’instrumentalisation de l’islam par Nicolas Sarkozy, l’agitation de la burqa, les débats stériles visant à masquer les enjeux véritables et, à peine en place, que font-ils ? Pire. La nouvelle majorité sénatoriale à peine installée, la voilà qui sort un texte sur la laïcité des nounous.
   « Art. L. 423-23 A – A défaut de stipulation contraire inscrite dans le contrat qui le lie au particulier employeur, l’assistant maternel est soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse dans le cours de son activité d’accueil d’enfants »
Reprenons déjà cet argument qui a été servi à Nicolas Sarkozy : est-ce seulement un sujet ?! Combien de nounous portent-elles un voile à leur domicile ? Quelqu’un s’en est-il jamais plaint ? Les parents qui ont confié leur enfant à une femme voilée ? Parce que ça ne se verrait pas ? Alors que l’UMP ne visait « qu’à » règlementer le port de la burqa dans l’espace public, la majorité socialiste inquisitoriale vient régir l’espace privé de la nounou et sa tenue vestimentaire ! La voilà qui se mêle de ce que les nounous portent dans leur propre salon, dans une démonstration inégalée d’ »islamophobie d’Etat« . Bien évidemment, puisqu’il est impensable de discriminer, prévenons aussi les « assistants maternels » chrétiens d’ôter de leur salon toute croix, toute icône, et toute crèche à Noël. Bref, ils font, en pire, ce qu’ils reprochaient en des termes si vifs à l’UMP. Les socialistes sont des gens bizarres.
Alors, dans un bel ensemble, François Hollande a décidé de marquer les esprits, au Bourget, avec une proposition inutile, inappropriée et incorrecte. Le genre de sujet mal ficelé qu’on lance pour préempter le débat, poser un acte symbolique avec un marqueur idéologique, ce qui n’est pas fait pour rassurer.
Pourquoi donc François Hollande est-il allé célébrer « la démocratie plus forte que les marchés, plus forte que l’argent, plus forte que les croyances, plus forte que les religions » ? Les religions, au même rang que la finance, l’ennemi du candidat Hollande… Pourtant, à l’exception des plus sectaires, qui considère encore l’Eglise comme une menace pour la démocratie ? Quelle déclaration, quel comportement François Hollande pourrait-il citer en exemple ? Les déclarations de l’épiscopat après le discours de Grenoble, peut-être ? Notez encore que le candidat socialiste ne se contente même plus d’invoquer la République. Dénoncer une incompatibilité entre la religion et la République, c’est déjà de la foutaise, mais on a l’habitude. Non, c’est, au-delà la République, la démocratie elle-même qui est menacée !
Dès lors, François Hollande a cette idée splendide : personnifier l’impuissance et l’inanité politique avec une aberrante révision constitutionnelle. Nous allons donc inscrire la laïcité dans la Constitution. Et pas n’importe où, mon lapin. A l’article 1er. Oui monsieur !
   « Article 1er – La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.»
C’est bien écrit, non ? Si. Mais ce n’est pas le projet de François Hollande que vous venez de lire, c’est le texte actuel de la Constitution. Alors, vous avez beau ne pas être juriste, vous avez cette impression folle que la laïcité est déjà inscrite à l’article 1er.
Voilà la proposition n°46. Et on n’a pas fini de rire.
   « Je proposerai d’inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution en insérant, à l’article 1er, un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l’État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle. »
Nous avons donc, d’ores et déjà, vu que la laïcité figure déjà à l’article 1er de la Constitution. Où donc était le manque ? Dans l’assurance que la République respectait la liberté de conscience ?
Au-delà encore de ce qui figure directement dans la Constitution, le Conseil d’Etat a reconnu la laïcité comme un « principe fondamental reconnu par les lois de la République » dans une décision SNES du 6 avril 2011, permettant d’appliquer la loi de 1905 en Alsace et Moselle. Bref : la laïcité est dans la Constitution et – je dirais même plus – elle a valeur constitutionnelle.
La proposition de François Hollande n’est donc pas seulement inopportune, elle est totalement inutile et elle fleure fort l’impuissance des politiques : pour montrer qu’on en a, maintenant, on ne fait plus une loi, on révise la Constitution.
Rions encore un peu avec François Hollande. Lui si laïc sacralise tant la loi de 1905 qu’il la vise dans la Constitution. C’est bien la première fois qu’une loi sera visée dans la Constitution ! Pour les non-juristes, il y a en droit un principe qui est la hiérarchie des normes : la Constitution a une valeur supérieure à la loi, qui a une valeur supérieure à un décret qui, lui-même, et tout ça. Ecrire dans la Constitution qu’elle est conforme à une loi est donc une aberration juridique sans nom. On se demande ce qu’on leur apprend à l’ENA.
On avait cru les socialistes opposés aux ravalements constitutionnels cosmétiques. Ca ne doit valoir que lorsqu’ils sont dans l’opposition.
On s’interroge, donc, sur la finalité de cette sortie. François Hollande joue-t-il, l’inconséquent, avec la laïcité et les religions, comme avec un hochet ? Les socialistes instrumentalisent-ils l’Islam comme le pire des apprentis-sorciers qu’ils dénonçaient hier ? Ou les quelques monômes de Civitas les auront-ils convaincus d’un péril imminent que notre Constitution ne permettait pas de gérer ? Le changement, c’est maintenant : ce n’est plus « un fait divers, une loi » mais « un fait divers, une révision constitutionnelle » !
Alors, François Hollande en a-t-il spécialement contre les chrétiens, voire les catholiques ? Ca semble gros. D’autant qu’il n’a pas l’air méchant. Le pire n’est jamais certain. Mais il est parfois possible.
On n’en est pas surpris : par sa proposition n°31, il « ouvre le droit au mariage et à l’adoption aux homosexuels ». Le « droit au mariage »… opposable, tant qu’on y est ? Bonne nouvelle pour les célibataires qui se lamentent.
François Hollande prévoit également, alors même que le Conseil de l’Europe vient de demander à ses 47 pays membres d’interdire l’euthanasie, ce qui ressemble à une légalisation (enfin peut-être) :
   « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »
Il y aurait beaucoup à dire sur cette proposition n°21, à commencer par la prise en compte de la « souffrance psychique » ou encore le recours à l’« insupportable », qui donne bonne conscience mais ne signifie rien. On pourrait également souligner le sectarisme idéologique qui conduit à vouloir retenir une telle formulation, quand notre loi prévoit déjà ceci :
   « Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l’avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. »
Retenons simplement que cette proposition ne veut rien dire. « Bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». François Hollande nous propose-t-il donc de légaliser les soins palliatifs ? La même formule peut recouvrir tout autant les soins palliatifs que la piqûre funeste. Et dans un mois, trois mois, deux ans, François Hollande pourra toujours prétendre avoir dit l’un pour l’autre. Il est lamentable, sur un tel sujet, de se laisser aller à l’hypocrisie. Et rien que cela vaut déjà bien un carton rouge.
*
François Hollande fait un choix stratégique surprenant : alors que les sondages indiquent que Nicolas Sarkozy est en perte de vitesse chez les catholiques, notamment pratiquants, François Hollande semble vouloir s’assurer qu’on ne lui trouve pas de beaux yeux, au point de fâcher même les plus pondérés (tels, ci-contre, le Père Matthieu Rougé et Antoine d’Abbundo, rédacteur en chef de Pèlerin. Pire, lui qui aime à se dépeindre en président rassembleur, il clive sur notre dos. Le nôtre, et celui des musulmans. Pourquoi ? Pour quelle urgence, pour quel enjeu ? Aucun.
   « J’essaye de résoudre les conflits, je ne les recherche pas, je ne les suscite pas » (François Hollande, 26 janvier 2012)
Ca reste à prouver.
Koztoujours, 28 janvier 2012

Loi :


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