Grand prix de l'imaginaire 2006
J'ai ADORE ce livre et
j'avais très envie de vous le faire découvrir ou redécouvrir.
http://www.lahordeducontrevent.org/
Ils sont 23 hommes et femmes, qui, leur vie durant, remontent la trace du vent, d'Est en Ouest. Ils ont été enfantés, éduqués, choisis pour former la 34ème Horde du Contrevent, celle qui doit faire mieux que les 33 précédentes et parvenir à l'Extrême-Amont. Ils marchent contre le vent, sur cette unique bande de terre vivable de la planète, en formation de goutte ou de diamant, sous les ordres de leur Traceur, le neuvième Golgoth.
Le roman raconte leur vie de contreurs, leurs doutes, leurs talents, et la poésie de leur combat quotidien. Reconnaissables à un idéogramme en début de paragraphe, chacun des contreurs est narrateur à tour de rôle, et leurs multiples témoignages constituent le récit.
C'est l'histoire de la quête d'une vie, de solidarité, d'amitié, d'amour. Leur force est d'être unis et complémentaires.
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vous accéderez aux fiches détaillées de chacun.
Présentation orale provenant du site ici
J'ai adoré ce roman hors du commun. Il est constamment inventif et passionnant, plein de scènes d’une beauté à couper le souffle avec un beau fond philosophique et des relations très riches entre les personnages.
Ses particularités sont nombreuses autant par sa forme que par sa structure.
Il est constitué d'une narration polyphonique. Le narrateur change sans cesse pour passer d'un membre à un autre du groupe. Chacun a son style, sa perception de l'aventure et utilise un registre différent de la langue française. C'est une grande richesse pour le lecteur. Que ce soit dans les gros mots ou dans les belles envolées lyriques, Damasio nous gratifie d’un livre dont le langage semble inépuisable.
Tous les personnages ne sont pas égaux en narration, certains prennent la parole plus que d'autres ; certains sont sympathiques, d'autres moins, tel Golgoth. Déstabilisant, surtout au début où on n'a pas le temps de repérer les personnages, c'est ce choeur qui donne sa dynamique au récit : en passant d'un individu, d'un point de vue et d'un ton à l'autre, on avance dans l'histoire de façon heurtée, inégale et inattendue. Une véritable dynamique tourbillonnante nous entraîne avec eux. Un vrai régal. L'histoire est d'autant plus riche qu'elle est racontée différemment par chaque narrateur tout en conservant une exceptionnelle fluidité.
Ce roman est numéroté à l'envers, il se termine à la page 0, l'objet de la quête de leur vie.
Alain Damasio (originaire de Lyon) manie le français à la perfection. Il invente une épreuve à un passage du livre : les joutes verbales comprenant notamment des combats de palindromes ou des flux d'assonances pour notre plus grand bonheur.
La horde d'ailleurs comprend un troubadour qui égaie le groupe et le lecteur par ses jeux de mots, par ses tournures tout au long du livre. On assiste à des dictées de vent, le vent a son rythme, ses tournures, il est représenté par écrit, par des signes de ponctuation.
Dans ce livre, Alain Damasio a imaginé un champ lexical basé sur le vent, des néologismes et des détournements de noms communs foisonnants et bien trouvés.
Ce livre est un incontournable, une expérience de lecture unique. La Horde du Contrevent est un livre-univers qui fond d'un même feu l'aventure et la poésie des parcours, le combat nu et la quête d'un sens profond du vivant qui unirait le mouvement et le lien.
Chaque mot résonne, claque, fuse : Alain Damasio joue de sa plume comme d'un pinceau, d'une caméra ou d'une arme...
Il a travaillé pendant 7 ans sur ce livre et mis 3 ans à l'écrire. Je suis réellement impressionnée par le travail qu'il a abattu pour mener à bien ce petit bijou. Chaque personnage est fouillé, détaillé.
Un de ces rares ouvrages qu'on se promet de relire un jour aussitôt la dernière page tournée.
Quelques extraits mais le livre entier nous fait vibrer en diapason avec la horde :
"Moins que d'autres, je ne savais si le but de notre vie avait un sens. Mais je savais, plus que quiconque, qu'elle avait une valeur. Par elle-même, directement, hors de toute réussite ou déroute. Cette valeur venait du combat. Elle venait du rapport profondément physique que nous avions au vent. Un corps à corps. Elle venait de la qualité impressionnante de notre Fer et de notre Pack. De l'épaisseur à peine concevable de connaissances et d'expériences dont nos os avaient hérité. Elle venait d'une noblesse de cœur et de rage dont je me sentais, avec Golgoth, le premier porteur."
"Voilà comment Golgoth est devenu notre Traceur. On peut penser ce qu'on veut de lui après ça. Que c'est un assassin, qu'il est fou, ce qu'on veut. Moi, je le respecte. Je n'ai pas été formé à Ker Derban, je n'ai pas été arraché à mes parents à l'âge de cinq ans, on ne m'a pas musclé les cuisses en les frappant à la barre de fer. Je n'ai pas vu mon frère mourir devant moi, tué par la rigueur inepte de mon père. Je ne sais pas qui je serais à sa place. Si même je serais là. Je ne lui demande pas qu'il me tape sur l'épaule quand je rame derrière lui. Je ne lui demanderais jamais rien. Qu'il soit vivant me suffit."
"Vous avez déjà vécu ces moments qui sont, hey, tellement joyeux ? J’eus pendant cinq mois à portée de rires et de baisers le plus beau jardin vagabond dont je puisse rêver, et il ne comportait pourtant que deux bosquets et une source, qui s’appelaient Siphaé ma mère, Fuschia ma petite sœur et Aoi, mon amour léger, mon ruisseau clair que j’aimais laper en serval les nuits de petite chaleur."