Patricia Laranco (Île Maurice / France).

Par Ananda

LA POUPEE

Le vent fouaille l’angle que forment les murs. On dirait qu’il veut l’approfondir, le creuser.

La lumière mourante, sépia fané, débusque mal les formes, atténue leur relief.

Le sol vide se précipite d’un seul jet vers la cloison où sont pendues en tas obscur de vieux habits informes à côté d’un miroir embué de rêves éteints, de pâles reflets perdus.

Juste au-dessous de ces lamentables reliques, tout contre le mur aussi épais qu’une feuille de carton pâte, l’épave d’un lit ancien hérissé de boules de cuivre sourdement luisantes exhibe un matelas ventru quoique percé de part en part.

La frontière entre le vent et les deux seuls murs n’existe pas et donc, le vent joue les passe-murailles.

Non loin du lit, un amoncellement de gravats met un point d’orgue à la désolation livide.

Et puis, posée quelque part sur le ventre du matelas, le dos au mur, cette poupée.

A peine visible, figée dans ce qui semble être une attente, une hébétude.

Est-elle de porcelaine ou de simple chiffon ? Après tout, peu importe. Ce qui est important plus que tout autre chose, c’est son étrange regard.

Elle le darde. Et l’on voit qu’il étincèle dans l’ombre. Avec la force corrosive d’une accusation.

Patricia Laranco