Nicolas Sarkozy a été ébranlé, les plus lucides de ses partisans doutent. Et deux tiers des militants UMP ne sont même pas allés voter le projet du parti.
Le « candidat présumé » est-il en passe de rater sa campagne ?
Président figurant.
Cette semaine, l'activité présidentielle de Nicolas Sarkozy fut très modeste. Il a fait de la figuration.
Mardi, il était à Marseille, pour les voeux à la Culture. Il tacla Hollande sans le nommer, comme à son habitude. Mercredi, Angela Merkel fit sensation au forum de Davos, ce rendez-vous des riches en Suisse. La chancelière « triple A » réclama davantage d'union européenne, du vrai fédéralisme. Nicolas Sarkozy ne réagit pas. Il préfère la « convergence entre Etats », mais il ne joue plus dans la même cour.
Jeudi, ces voeux à la Justice n'étaient qu'un exercice d'auto-satisfaction sur l'introduction de jurés citoyens dans deux tribunaux. Le Monarque occulta l'appel des procureurs en décembre dernier à plus d'indépendance, l'engorgement de la justice et les affaires en cours.
Jeudi, il recevait le président de Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara. Il paraît que Carla Bruni avait mis les petits plats dans les grands pour accueillir ses hôtes au Palais. Le Monde fut plus sérieux en s'attardant sur Julien Civange, ce curieux conseiller occulte de l'épouse du chef de l'Etat qui a récupéré quelques centaines de milliers d'euros du Fond Mondial contre le Sida. Ce dernier, justement, a perdu son directeur général, ébranlé par le scandale qu'avait révélé Marianne.
Vendredi, Nicolas Sarkozy recouvrait à nouveau son costume de président. Son collègue afghan Hamid Karzaï eut droit à tous les honneurs. Sarko est un peu un George Bush de remplacement. La dégradation brutale de la situation militaire - avec la mort de 4 nouveaux soldats cette semaine - l'a forcé à accélérer le retrait des troupes françaises avant la fin de 2013. Les troupes françaises quitteront même la région de Kapisa dès le mois de mars.
La surprise Hollande
Dimanche 22 janvier, François Hollande avait réussi son premier meeting de campagne, au Bourget, près de Paris. Nicolas Sarkozy était loin, en Guyane. Il continuait sa tournée des voeux, cette fois-ci pour l'Outre-Mer. A Cayenne, il avait calé une intervention publique au moment même où le candidat socialiste devait s'exprimer. Mais l'attention médiatique était à Paris. Hollande surprit son monde en annonçant de multiples propositions. A l'UMP, on fut secoué. La cellule Riposte avait été prise de court. Les premières réponses, dimanche soir, étaient consternantes, contradictoires ou anachroniques. Certaines avaient été préparées à l'avance.
De ce dimanche, on retint deux images. François Hollande galvanisant les 25.000 participants de son meeting. Nicolas Sarkozy, grimaçant de chaleur sur une pirogue au milieu du fleuve Maroni, avec Claude Guéant et Nathalie Kosciusko-Morizet.
A l'Elysée comme à l'UMP, la semaine fut rude. Sonnée par le succès médiatique du meeting au Bourget de François Hollande, l'équipe présidentielle a tenté de se refaire le moral en distribuant quelque 6 millions de tracts de défense du bilan de son Monarque. Mais le jour même, de fausses confidences du Monarque sabordèrent l'opération de reconquête: Nicolas Sarkozy évoquait la possibilité d'un échec en mai prochain. « En cas d'échec, j'arrête la politique. Oui, c'est une certitude. » Les propos avaient été recueillis le samedi précédent, lors d'une soirée « off » avec les rares journalistes qui l'accompagnaient en Guyane. Le journal le Monde, qui venait de briser ce faux tabou du « off », se rattrapa trois jours plus tard. Vendredi, on apprenait que Nicolas Sarkozy regrettait beaucoup de choses de ce mandat qu'il espère prolongeable. Sans surprise, il regrette ... ce que les Français n'aiment pas, ce qui a choqué dans son comportement. Le courage version Sarkozy consiste à nous ré-itérer le traditionnel « j'ai changé » tous les 5 ans...
A l'UMP, on misait ensuite beaucoup sur la présentation détaillée et chiffrée du programme du candidat Hollande jeudi matin. La cellule Riposte animée par Brice Hortefeux avait même publié son « programme caché », un tissu de mensonges grossiers qui scandalisa quelques journalistes. Mais la riposte sarkozyenne fut là encore ratée. Les sbires du Monarque avaient grillé leurs cartouches. A force de crier au scandale, d'attaquer sans connaître, de fustiger sans savoir, comment pouvaient -ils être encore crédibles ou audibles ?
Le soir, Nicolas Sarkozy avait envoyé Alain Juppé guerroyer contre le candidat socialiste sur le plateau de l'émission « Des paroles et des actes », sur France 2. François Hollande moqua l'absence de Sarkozy, un candidat absent qu'il ne nomme donc plus. Et Juppé, « Le meilleur d'entre nous » comme disait Jacques Chirac, s'est fait croquer tout cru. Il termina ses 40 minutes de confrontation télévisuelle agacé, cassant et fracassé.
Valérie Pécresse dénonça la fin du modèle social français car le candidat voulait augmenter les impôts des plus riches. Bruno Le Maire dénonça la suffisance, Juppé l'arrogance. Laurent Wauquiez était occupé à sauver l'usine Lejaby de sa circonscription, qui avait fermé voici 10 jours. « Wauquiez ? On ne l'avait jamais vu ici ! » s'interrogèrent les ouvrières.
Candidat tricheur.
Dimanche, Nicolas Sarkozy a convoqué 6 chaînes de télévision (TF1, France 2, iTélé, BFM-TV, LCP) pour simultanément l'interroger sur les « mesures structurelles et fortes », le plan « sans précédent » qu'il nous promet depuis son second discours de Toulon le 1er décembre dernier. Henri Guaino, son conseiller spécial, a prévenu: « c'est le Président, pas le candidat, qui s'exprime ». Ben voyons... Même le CSA n'est plus dupe. L'autorité a précisé que le temps de parole de Sarkozy serait décompté quand il interviendra en tant que « candidat présumé ». Ses conseillers ont bien précisé qu'il n'annoncerait pas sa candidature, ce serait faire preuve d'inquiétude et déstabilisant le « socle électoral ».
Les mesures ont été préparées avec ses deux experts ès opinion, l'ex-directeur de Minute Patrick Buisson et l'ex-sondeur Pierre Giacometti. Ce sera « le grand soir », promet Charles Jaigu, l'accrédité du Figaro à l'Elysée. « c'est la première fois qu'un chef de l'État pousse les feux de la réforme jusqu'à l'extrême fin de son mandat. » C'est surtout la première fois qu'un un chef de l'État tente de rattraper cinq ans d'agitation inefficace dans les cinq semaines de fin de mandat. On nous promet une hausse de deux points de la TVA pour alléger de quelques centimes les cotisations patronales et la fin de la durée hebdomadaire de travail (et donc des heures supplémentaires).
A l'UMP, les deux tiers des militants ne se sont pas déplacés pour voter le projet présidentiel. Le conseil politique s'est quand même réuni samedi pour faire croire à la mobilisation.
Ce dimanche, Nicolas Sarkozy joue gros. L'avenir de sa campagne et son propre destin.
Ami sarkozyste, ne pars pas !