Au premier abord, la dernière sensation street de Seattle, qui pourrait bien à lui tout seul faire passer Shabazz Palaces pour une bande d’amateurs, ressemble plus à un énième disque de black-metal : une cover dans la droite lignée des illustrations Héroïc-fantasy de Frank Frazzetta et un titre qui inspire satanisme et autres diableries… Pourtant c’est bien dans la catégorie hip-hop que s’inscrit ce Lord of the Fly du très talentueux rappeur au pseudo de chaine fast-food experimentalo-Catalane, retrouvant à la production des obscurs beatmakers Blue Sky Black Death, seulement quelques mois après la livraison d’une première mixtape percutante, For the Glory.
A l’instar d’ASAP Rocky et autres Tyler, Nacho Picasso s’inscrit dans cette génération loose, mettant à nu ses propres névroses, ses galères de jeune adulte au sein d’une Amérique en proie à ses propres contradictions. Loin des clichés des faux bad boys (Gucci Mane ?) qui défoncent les charts US, Nacho dépeint avec subtilité et beaucoup de dérision une société se laissant couler comme le titanic, se positionnant comme l’objecteur de conscience d’un ordre morale et philosophique délavé par des valeurs faussement puritaines. Mais Lord of the Fly est aussi bien moins que cela, derrière cette voix enrouée par le tabagisme dont le flow lent et vénéneux n’est pas sans rappeler MF Doom, le jeune rappeur chronique sous forme de journal intime le quotidien des jeunes branleurs du ghettos dont la conscience s’élève autant depuis les écrits opiacés d’un William Burroughs (Naked Lunch) que des aventures des super-héros de Marvel. Une démarche nerd assumée qui n’enlève rien à la tension des lyrics paranoïdes du MC un tantinet schizo, qui nous sert un rap codéïné aussi rugeux qu’hallucinogène. Une réussite appuyée par les instrus suffocantes du duo Blue Sky Black Death distillant sur l’ensemble un climat anxiogène. Sans donner dans la gaucherie et la grossièreté inutile, le duo de beatmakers installe une ambiance propice à accueillir le flow parfois malsain de Nacho Picasso tout en conservant des mélodies d’un minimalisme certes effrayant mais d’une beauté délicieusement hypnogène.
Dans un contexte où la jeune relève hip-hop préfère envahir le web afin d’imposer un style qui sied mal au poids lourds de l’industrie du disque forçant néanmoins les projecteurs à se braquer vers elle, Nacho Picasso tire son épingle du jeu grâce à son style bâtard et versatile. Un narcissisme extrême qui sur la longueur plombe légèrement ce Lord of the Fly maisqui se place malgré tout un cran au-dessus des productions blafardes qui trône sur les rayonnages des disquaires de Rap US. L’album étant totalement gratuit, il est important de le souligner. D’ailleurs on vous file le lien ici.
Audio
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Tracklist
Nacho Picasso – Lord of the Fly (BSBD Music, 2012)
1. Rammin’
2. Phantom Of The Opera
3. Lost Boys Feat. CENTURY
4. Naked Lunch
5. On A Bitch
6. Tool Man
7. Luca Brasi
8. Tutankhamun
9. Staring At the sun
11. Tree Tops
12. I’m a Greek God
13. Maintain