Malgré la montée en puissance de la campagne présidentielle, la crise ne lâche pas prise. Chaque jour, une mauvaise nouvelle supplémentaire vient gâcher la machine à espoir que représentaient traditionnellement une campagne présidentielle et ses promesses de lendemains qui chantent.
1-Les lunettes du passé:
La communication et le programme des candidats s'en trouvent bouleversés. Devant l'angoisse des Français, chaque usine qui ferme est devenue un bastion de résistance qu'on visite avant le combat. Chacun prie, répète la litanie du "retour de la croissance" comme si la méthode Coué allait suffire à la faire revenir.
Le décalage n'a jamais été aussi criant entre les discours et la faiblesse des réponses proposées. Le personnel politique démontre l'impuissance des réponses idéologiques qu'on nous sert : ouvrir ou fermer les frontières, faire payer les riches, libéraliser l'économie, virer les étrangers. Depuis 30 ans, tout cela a déjà été essayé en France ou ailleurs. Partout les mêmes échecs, les mêmes déconvenues.
Mais derrière les miroirs aux alouettes fatigués des politiques, les experts et les commentateurs prouvent, chaque jour, leur incapacité à interpréter la crise que nous traversons. Leurs réponses et leurs solutions ont la décevante saveur d'ingrédients du passé. Les lunettes qu'ils chaussent pour nous expliquer le monde ne leur permettent de décrire que l'épiderme du monstre de la crise qui commence à s'agiter sous nos pieds. Les solutions qu'ils proposent sont des armes du passé, inadaptées à la violente émergence d'un phénomène qu'ils n'ont pas compris.
Pour déchiffrer ce qui nous arrive, il faut que chacun accepte d'enlever les lunettes usées de ses convictions idéologiques. La complexité de la situation nécessite de sortir des vieux schémas manichéens où nous avons l'habitude de toujours désigner les mêmes coupables responsables de nos maux (l'Etat, l'Europe, les étrangers, les écolos, le capitalisme, ...).
2-Les lunettes de l'avenir:
L'ampleur croissante de la crise française, européenne et mondiale illustre la dégénérescence du modèle économique qui fut notre moteur tout le long du XXéme siècle.
Pour le comprendre, partons d'un micro-phénomène qui fut bien mal décrit et expliqué par nos commentateurs politiques : la perte du triple AAA par la France. Que l'on s'en gausse ou que l'on pousse des cris d'horreur devant la "dégradation de la note par Standart & Poors", tous se trompent en pensant que la dette française est à l'origine de cette décision.
Ainsi, l'Allemagne présentée partout comme la championne de la vertu doit pourtant trouver 180 milliards cette année pour payer ses dettes. En réalité la décision de "dégrader" la France s'appuie sur un constat simple: contrairement à son voisin d'outre-Rhin, la France a, depuis 2004, une balance des paiements déficitaires.
Variant entre 50 et 80 milliards par an, ce déficit a une double conséquence : il appauvrit le pays et l'Etat, il ne permet pas de payer nos dettes. Depuis 2004, notre Nation a perdu ainsi 500 milliards de richesse, dont une grande partie est représentée par la dette de l'Etat. Mais cette perte est constituée aussi de dettes privées, de rachats d'entreprises et surtout de l'appauvrissement d'une partie de notre population.
Or, de quoi est fait essentiellement cette balance des paiements déficitaires? Essentiellement de l'achat de ressources fossiles nécessaires à nos modes de vie. Les hydrocarbures constituent le gros de la dépense. Les autres ressources (minerais, uranium,...) participent à ce mouvement général. Le seul pétrole nous coûte au moins 50 milliards par an et l'on sait que son prix va augmenter fortement dans les décennies à venir.
La cause véritable de la crise est donc celle-là: notre dépendance a des ressources fossiles de plus en plus rares et donc, inexorablement, de plus en plus chères.
3-Quels enseignements faut-il tirer de cette analyse?
-les politiques d'austérité budgétaire ne servent à rien. Là dessus, tout le monde (sauf les gouvernements européens !) sont d'accord !
-Continuer les politiques classiques soit de libéralisation, soit de relance par la consommation, serait inutile. Ce n'est pas le problème que nous devons affronter.
-le seul combat a mener de toute urgence, consiste à s'attaquer à notre dépendance aux ressources fossiles. Concevoir et commencer à mettre en place des modes de transport, des usages de l'énergie, des modèles industriels et des formes d'urbanisme qui nous sortent de nos dépendances aux hydrocarbures, aux ressources non renouvelables et fossiles est une nécessité nationale.
Résoudre la crise, c'est commencer par résoudre nos dépendances à des ressources finies de plus en plus chers.
Il faut nous éloigner du modèle économique dominant depuis 50 ans, construit autour du gaspillage d'énergie fossile bon marché. Il faut sortir de nos têtes l'idée que ce modèle pourrait, par la magie du progrès technique, devenir pérenne.
Mais, il ne s'agit pas de "revenir à la bougie". Le progrès technique autorise d'autres modes de vie confortables et heureux. L'humanité doit accepter de sortir du gaspillage généralisé pour rentrer dans celui de la sobriété durable. Comme à chaque période de l'histoire, cette révolution écologique sera l'occasion d'une renaissance économique: le charbon fut le coeur de la première révolution industrielle du XIXeme siècle, le pétrole fut au coeur de la seconde, les énergies renouvelables seront au coeur de la troisième.