Le titre, à première vue, pourrait paraître provocateur. Après lecture il l'est beaucoup moins, voire pas du tout. Car dans De l'urgence d'être réactionnaire, publié aux PUF ici, Ivan Rioufol nous explique ce qu'il entend par ce vocable qui, dans la bouche, et dans la prose de certains, se voudrait injurieux et même assassin.
L'épithète de réac ne fait plus peur à ceux qui en sont affublés par des adversaires inimicaux et, même, ils le revendiquent, se l'approprient, par le plus beau des effets boomerang. La signification qui en est donnée n'est toutefois pas toujours la même.
Ainsi Dans la tête d'un réac d'Eric Brunet ici s'agissait-il surtout d'une attitude devant la vie, caractérisée par la fidélité et l'insolence. L'auteur considérait les réacs comme une espèce en voie d'extinction, à laquelle il était cependant fier d'appartenir.
Pour Ivan Rioufol, au contraire, c'est une espèce à qui l'avenir appartient. La réaction n'est-elle pas ce qui permet d'avancer ? Le néo-réac ne s'interdit pas la nostalgie, mais ce n'est pas le retour à l'ancien monde qui le meut. Il est un réactionnaire de progrès.
Tandis que le conservateur prône la réforme, le néo-réac est porteur de rébellion, voire de révolution. Pour le moment il n'est qu'un franc-tireur, mais il est appelé à faire masse, tant il est vrai qu'il ne restera pas longtemps seul à vouloir qu'on le laisse continuer à vivre, tout simplement :
"Le réactionnaire d'aujourd'hui est un démocrate déçu et révolté, avec qui les décideurs devront compter. Il va se faire de plus en plus entendre, à mesure que les crises, et singulièrement celles de l'endettement public et du multiculturalisme, vont dévoiler les désastres de décennies d'utopies indifférentes aux réalités et à la vie des gens."
L'urgence, pour les décideurs, est de se mettre à l'écoute des gens pour éviter que leur sourde colère ne soit détournée par des partis extrémistes et autoritaires. Il faut qu'ils arrêtent de nier les évidences et de diaboliser les récalcitrants. Sinon ce sera le retour en arrière, excessif et irréaliste, des protectionnismes.
L'auteur s'en prend avec raison au politiquement correct. Penser mal, en France particulièrement avec les lois mémorielles, peut vous valoir des sanctions. Car le débat est mis sous surveillance de la justice, ce qui est la marque distinctive des pays totalitaires.
Les médias évangélisateurs sont les promoteurs de cette mise sous tutelle de la libre expression. Il n'est pas étonnant que, renonçant à leur mission d'information au profit d'un moralisme intolérant, ils ne supportent pas la contradiction et l'entêtement des faits. Il n'est pas étonnant non plus qu'ils perdent au fil des jours de l'audience, donc de leur pouvoir de nuisance.
Pour les élites, qui méprisent les peuples européens et ne tiennent pas compte de ce qu'ils disent, les racines, les héritages, la diversité, les droits de l'homme ne sont bons qu'à condition de les appliquer uniquement aux populations extra-européennes.
Ces dernières sont confortées dans leurs communautarismes par l'anti-racisme qui ne condamne pas leurs propres racismes, au contraire, et par la haine de soi, que les élites européennes cultivent dans leurs populations en enseignant une histoire manichéeenne, où les ancêtres européens sont les seuls coupables de tous les maux.
En Europe l'immigration économique en provenance de pays musulmans est devenue une immigration de peuplement, qui est favorisée, selon moi, par les Etats-Providence et l'absence de libertés des pays d'origine. C'est un problème réel auquel le continent est confronté et que ne veulent pas voir ses élites.
Sous peine d'être taxé d'islamophobie - qui est encore la peine la plus légère qui puisse être infligée - il est interdit de s'exprimer librement sur l'islam. Rioufol veut croire que l'islam n'est pas incompatible avec une forme de démocratie, mais il n'est pas naïf :
"L'intégrisme est à l'islam ce que la terreur est au communisme ou le chômage au capitalisme."
Pour que l'islam - qui veut dire soumission - se fonde un jour dans la culture démocratique occidentale, il faut qu'une autorité laïque soit capable de ne pas lui accorder de statut privilégié, de ne pas cèder à ses demandes d'exemptions et à ses exigences de conformité à la charia.
Comme les élites ne semblent pas prêtes à l'affrontement qui se prépare, Rioufol en appelle à l'insurrection civique de la société civile, ce cinquième pouvoir, qui commence déjà à se faire entendre par d'autres canaux que les classiques, grâce à la révolution d'Internet.
A l'islam politique, cette idéologie qui véhicule régression et obscurantisme quand elle est appliquée à la letttre, il faut opposer "une résistance légitime, qui est celle d'une culture qui n'a pas à rougir de ce qu'elle est ni de ce qu'elle a produit".
C'est pourquoi il faut donner la parole au peuple sur des sujets comme la sécurité ou l'immigration. Il est envisageable de lui poser ces questions essentielles, qui doivent relever de la souvraineté nationale, par l'intermédiaire de référendums d'initative populaire, comme cela se pratique en Suisse, en Allemagne ou en Italie.
Au regard de ce qui se passe dans toute l'Europe Rioufol pense que l'Internationale des néo-réactionnaires est en marche, prélude en France à une Union nationale :
"Les réalités et leurs complexités obligent les citoyens et leurs représentants au réalisme et à l'union, c'est-à-dire à être conservateurs quand il faut protéger ce qui doit l'être, libéraux si l'efficacité le juge nécessaire, socialistes quand la solidarité le demande."
Si le constat est indéniable, sont-ce les bons moyens d'y remédier ?
Francis Richard