Il ne reste plus que trois habitants à Aubignane : Panturle, Gaubert le vieux forgeron et la Mamèche, une vieille Piémontaise qui y a vu mourir son mari et son enfant. Le forgeron quitte le hameau lui aussi, pour terminer sa vie près de son fils à la ville, quant à la Mamèche elle disparaît après une discussion avec Panturle, un homme encore dans la force de l’âge qui lui avoue que la solitude commence à lui peser et qu’une femme à ses côtés lui redonnerait espoir.
Panturle se retrouve définitivement seul, dernier habitant de ce lieu abandonné de tous, vivotant de sa chasse. Jusqu’à l’arrivée inopinée d’un rémouleur égaré, Urbain Gédémus, et d’une jeune femme qui l’accompagne, Arsule, tirant sa carriole et lui tenant compagnie. Entre Panturle et Arsule l’attrait physique est immédiat et ils se mettent en ménage à l’insu de Gédémus qui reprend la route, croyant Arsule partie.
La présence d’une jeune femme à ses côtés rend Panturle plus exigeant sur ses conditions de vie. La femme embellit le maison et lui se lance dans les travaux agricoles, allant jusqu’à semer du blé au prix d’efforts physiques énormes. Les mois passent, les récoltes donnent leurs fruits, le couple vit mieux. Le bouche à oreille répand la nouvelle, la terre d’Aubignane est bonne pour la culture, quand le livre se clôt, Arsule est enceinte et une jeune famille vient s’installer dans une maison du village. Panturle a des voisins et Aubignane va renaître.
Sans être un chef-d’œuvre, ce court roman de Giono est un très joli livre aux accents de poésie bucolique qui nous renvoie aux temps anciens où la terre était le bien le plus précieux pour les hommes. Alors que le village d’Aubagne semblait condamné à l’abandon et à la mort certaine, le courage et la volonté d’un homme, Panturle, associé à la rouerie ultime d’une vieille femme mourante, la Mamèche, permettront de redonner la vie à ce coin de terre perdue. Car la Mamèche qui avait disparu, n’était pas si loin, elle se profilait dans la lande pour effrayer et détourner de leur route le rémouleur et sa compagne, afin de les rabattre vers Aubagne et Panturle. La Mamèche interférant sur le cours du destin, pour que l’homme et la femme se rencontrent sur cette terre, paradis en devenir, qui fera du chasseur un agriculteur. Une de ces bonnes vieilles ruses comme on en trouve dans les mythologies grecques et romaines.
Un beau roman, plein d’une naïve innocence, écrit avec des mots et des tournures du vieux temps qui nous font revivre une époque faite de simplicité et de rudesse mais aussi de vérités basiques, donc essentielles.
« - Vous êtes bien, là. Et cette idée, si des fois elle n’avait pas été bien finie, elle s’est finie avec la bonne soupe d’Arsule, une pleine écuellée que les bords en étaient baveux, puis encore une, avec tous les légumes entiers, avec les poireaux blancs comme des poissons et des pommes de terre fondantes, et les carottes et tout le goût que ça laisse dansla bouche. Ily a eu une grande taillade de jambon maigre avec un liseré de gras qui miroite comme de la glace de fontaine. Puis il y eu le fromage jauni entre les feuilles de noyer et parfumé aux petites herbes, et l’homme a mâché plus lentement, alors, d’abord parce qu’il commençait à avoir le ventre plein et puis parce qu’avec sa bouche il lui semblait qu’il pétrissait de la langue un morceau de la colline même avec toutes ses fleurs. Alors la pensée a été finie en plein et il a encore dit : - Vous êtes bien ici, vous êtes bien ! »