Patong Beach, le 26 janvier 2012
Objet :
« Dieu, une réponse parmi d’autres à la plus superstitieuse des questions ! » [FIN]
Le Point
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[A l’attention de Claude Imbert, Franz-Olivier Giesbert, Bernard-Henri Lévy, Catherine Golliau, Christophe Ono-dit-Biot, Emilie Lanez, François Dufay, Malek Chebel, Mireille Duteil et Violaine de Montclos]
« Je ne prétends pas que ma philosophie est la meilleure, mais je sais que je comprends la "vraie" philosophie. » [Spinoza]
« Si je sais la vérité et ne gueule pas la vérité, je suis le complice des escrocs et des faussaires ! » [Charles Péguy]
Mesdames, Messieurs,
Votre dossier, Les scientifiques à la recherche de Dieu, me fournit par ailleurs un excellent exemple de la confusion des facultés, puisque j’ai pu y relever, en réponse à la fameuse question de Leibniz, le propos suivant de Stephen Hawking : « Parce que la philosophie est morte faute d’avoir réussi à suivre les développements de la science moderne, en particulier de la physique. »
On croirait entendre parler André Comte-Sponville sur Paris Pemière, au cours d’un débat télévisé, en mai 1999, animé par Serge Moati sur le thème, Pourquoi les philosophes ?
Comte-Sponville avait en effet déclaré, à mon plus grand ébahissement devant de tels propos indignes d’un « vrai » philosophe :
« La philosophie continue, parce qu’elle a toujours échoué. Le but des philosophes était de faire entrer la philosophie dans la voie sûre d’une science. Elle allait devenir aussi certaine que les mathématiques ; elle échoue à devenir scientifique. Je ne crois pas qu’on ait raison d’opposer les scientifiques et les philosophes ; ce ne sont pas deux disciplines qui seraient complètement opposées. »
Inutile de dire que ma lettre du 29 mai 2009 à son intention, ayant pour objet, Matérialisme et philosophie, demeure toujours sans réponse jusqu’ici, de même que les suivantes adressées entre mai 1999 et le 5 décembre 2009.
Sur le fond, il n’en demeure pas moins que, non seulement la philosophie n’est pas, et ne sera jamais, à la remorque de la science, mais c’est une preuve flagrante du mélange des facultés. En effet, la science fait partie de notre penser relatif, où rien d’absolu ne se trouve, alors que la philosophie, la vraie philosophie, est la voie et la voix de l’UN absolu.
Aussi, face à de tels propos de « philosopheur », voire de matérialiste superstitieux, je ne peux manquer de vous apporter les précisions suivantes sur la théorie des facultés de Brunner, ou genres de connaissance de l’entendement humain. Sauf à vous-mêmes de démontrer le contraire sur des points très précis de désaccord, elle seule est en effet en mesure de corriger vos propos superstitieux sur la religion, entre autre mode d’expression de la Superstition sous toutes ses formes.
L'analyse des facultés de notre entendement humain, établie par le philosophe juif allemand Constantin Brunner (1862-1937), développe celle exposée par Spinoza dans Éthique II, proposition XL, scolie II.
Brunner distingue également trois facultés, ou genres de connaissance :
1- l’entendement pratique, regroupant l’expérience des sens et la raison, ou imaginatio et ratio spinozistes,
2 - le penser spirituel, ou penser de l’Esprit, que Spinoza appelle intuitio,
3 - le penser superstitieux, ou penser de l’analogon de l'Esprit, dont seul Brunner a si abondamment et si lucidement parlé, à propos de la religion, de la métaphysique et de la critique morale ou moralisme
Á ces trois facultés de l'entendement humain correspondent trois types de « vérités » spécifiques à chacune d’elles. Ce sont respectivement :
1 - la vérité relative de l'entendement pratique, savoir scientifique inclus,
2 - la Vérité absolue du penser spirituel,
3 - la vérité « superstitieuse » de l'Analogon de l'Esprit, ou vérité relative fictivement « absolutisée », c’est-à-dire artificiellement présentée comme absolue.
Cette analyse démonte le présupposé superstitieux sur lequel se fondent la religion ainsi que la métaphysique matérialiste et idéaliste avec leurs deux prétendus absolus. Le premier serait, soit le Dieu des religions monothéistes et de la pseudo-philosophie spiritualiste des Descartes et Kant, entre autres, soit un principe créateur (Primus motor d’Aristote, Premier agent des « philosopheurs » Avicenne et Averroès, big bang, théorie des cordes…), et le second serait notre monde lui-même, puisque supposé exister absolument, avoir une existence absolue.
Or, d'une part, la coexistence de deux absolus est une impossibilité absolue par définition, comme démontré more geometrico par Spinoza, et d'autre part, ni l'un ni l'autre de ces deux prétendus absolus n'est, en vérité, absolument absolu, ce qui vaut, tant pour le Dieu religieux ou idéaliste que pour notre monde lui-même, dont j'établis ci-après l'existence relative, mais fictivement absolutisée, autrement dit érigée mensongèrement en Absolu.
Ainsi, tout d'abord, si la coexistence de deux absolus est une impossibilité absolue, c'est parce que tout quid décrété absolu ne doit faire qu'UN avec notre monde, et être, à la fois, unique, éternel, parfait, infini, illimité et immuable, ce que ne sont ni le Dieu religieux et idéaliste, ni notre monde.
En effet, le Dieu des religions monothéistes est loin d'être Unique, comme voudraient nous le faire croire ses fidèles juifs, chrétiens et musulmans malgré leurs dogmes différents, au nom desquels ils s'entretuent encore aujourd'hui, y compris entre fractions différentes au sein d'une même religion, chiites et sunnites par exemple.
Et de surcroît, ce Dieu soi-disant unique serait venu annoncer au monde une nouvelle vérité différente, au fil des siècles et des millénaires : vous avez dit Vérité absolue ? !
Pour établir la « débilité intellectuelle » de l’époque, en matière de « Vérité absolue », je me borne à vous citer quelques passages de ma lettre du 11 avril 2009, adressée à France Culture sous l’intitulé, « Dieu, le Coran et l’obscurantisme sur France Culture », en raison des propos tenus par deux anciens maoïstes, Adel Rifaat et Baghat Elnadi, reconvertis en théologiens musulmans capables de tenir sur Dieu et sur son message des propos aussi « cohérents » (! ! !) que ceux-ci :
« Le Coran n’est pas la vérité absolue » (puisque chaque mot ne l’est pas selon Adel Rifaat)
« Dieu lui-même a révélé plusieurs textes », puisque le Coran reconnaît qu’il y a la Torah, qu’il y a les Evangiles, et reconnaît que ces livres-là sont des livres divins, des livres sacrés, des livres que Dieu a révélés aux hommes ; et ce n’est pas seulement ces deux livres ou ces trois livres, il y a, selon le prophète Muhammad, il y a plusieurs dizaines de livres qui ont été révélés et qui ont disparu…alors, être divin ou être sacré ne signifie pas nécessairement être éternel… c’est ça que nous essayons de dire. (Baghat Elnadi)
« Il y a dans le Coran comme livre fondamental, comme lieu fondamental de la psyché musulmane, ce problème de savoir si la parole de Dieu peut être discutée, et tout ce que nous disons par notre lecture du Coran, c’est qu’elle est à la fois transcendante et inscrite dans l’Histoire, donc qu’elle peut avoir des pans qui sont relatifs. » (Adel Rifaat):
« Si nous pouvons, à notre très modeste niveau, participer à quoi que ce soit d’utile pour faire face aux problèmes évoqués, nous le faisons en nous plaçant au point névralgique où se conjuguent tous les malaises de ceux qui se réfèrent au Coran sans vraiment savoir ce qu’il dit, et à qui on a interdit de penser que « la parole de Dieu peut être relative aussi bien qu’absolue. » (Adel Rifaat)
« Juste une chose très importante : « Dieu a dit des choses relatives », c’est inscrit dans le Coran, Dieu a reconnu qu’il pouvait changer des versets. » (Adel Rifaat)
« Donc, il y a des versets contradictoires dans le Coran ? (Ali Baddou) Exactement… il y a des versets qui annulent d’autres versets (Baghat Elnadi)
« Et donc c’est, c’est capital, et donc Dieu peut dire des vérités relatives… c’est pas parce qu’il se trompe… quand il dit deux choses contradictoires, c’est tout simplement parce que la vérité a changé entre-temps… il a toujours raison, mais, en ce qui concerne ces questions, dans le relatif… mais c’est très important… (Adel Rifaat) [Fin de citation]
[Est-il bien utile de préciser que j’attends toujours une réponse de France Culture à ce courrier et aux autres, ce qui devrait suffire à nos plus ou moins lointains descendants pour juger de l’ « obscurantisme » de notre époque, en matière de religion comme de scientisme ? !]
Pour terminer je voudrais établir également la non-absoluité, l’existence non absolue de notre monde humain. En effet, et sauf à vous-mêmes ou à quiconque de démontrer le contraire, notre monde n'existe pas absolument, il n'existe que relativement à notre entendement spécifique humain qui le pense, mais, en dehors de celui-ci il n'a aucune réalité pour les infinis entendements infinis de notre planète.
Il en va de même, d’ailleurs, pour chacun des infinis mondes infinis qui n'existent qu'en relation à un entendement spécifique qui le pense. Les mondes du chat, du chien, de la baleine, du vautour, du perroquet, de l'abeille, etc., etc. existent aussi relativement, c’est-à-dire en relation à chacun de ces pensers spécifiques, mais ils n'ont aucune véritable réalité pour notre entendement humain.
Que savons-nous réellement, en effet, du monde du chien, du chat, des abeilles, etc., etc. avec notre penser humain, hormis ce que nous en donne à connaître notre anthropomorphisme, en clair notre penser superstitieux qui prend pour absolu, pour réalité absolue, ce que notre entendement spécifique ne saurait véritablement saisir ?
En réalité, nous ne saurons jamais rien de ce qui est réellement pensé par les infinis pensers infinis, ni rien de leur « penser » spécifique. Et néanmoins, en vertu de l’ « omnia animata » spinoziste - TOUT pense ! -, tous pensent également « leur » monde relatif, c’est à dire en relation à « leur » entendement particulier.
Chaque espèce animale - mais pas seulement, car « omnia animata » - a son monde spécifique, qui est un monde différent du nôtre, et différent d'une espèce à l'autre, puisque chacun des mondes est relatif à chaque entendement particulier. Ainsi le monde et le temps de la mouche, entre autre, ne sont pas le monde et le temps de l'homme, mais pas davantage ceux du requin, qui diffèrent de ceux de l'éléphant, lesquels diffèrent de ceux du vautour, du papillon et autres existences éphémères ou non - et ainsi pour l'infinité des espèces et des genres que nous considérons seulement avec notre penser « relatif ».
Et chaque entendement spécifique permet de vivre adéquatement dans son monde particulier, comme il en va pour l’entendement et le monde des humains, de sorte que Brunner peut affirmer qu’avec notre entendement humain : « Dans le monde des ânes, c’est-à-dire spécifique à l'entendement de l'âne, l'homme serait le plus sot des ânes », et il n'a pas tort.
En effet, de même que notre entendement pratique humain est « identique » à notre monde humain, en vertu de la proposition VII de Éthique II qui stipule : « L'ordre et la connexion des idées est le même (= identique à) que l'ordre et la connexion des choses », et qu’il nous sert à vivre et à nous orienter dans notre monde humain, « chaque » espèce ou genre a son entendement propre qui lui permet de vivre et de s'orienter dans le monde spécifique identique à son penser.
Faute de rien savoir de ces infinis mondes infinis, nous ferions donc mieux de remettre en question notre « pseudo-faculté » de connaître, de comprendre et d’expliquer « absolument » notre monde et les choses de ce monde avec notre penser relatif, d'où ne peut sortir la Vérité absolue. D’où la question suivante à l’adresse des scientifiques du XXIe siècle :
« Leur avancée concernant le penser des animaux est-elle véritablement dans la lignée philosophique de Spinoza et de Brunner, ou une concession faite à notre anthropomorphisme » ?
Un dernier argument de poids me suffit pour établir la « relativité », l’existence relative, de notre monde, à savoir comment un monde perpétuellement en mouvement, donc en constant changement, en incessante transformation, pourrait-il exister absolument dans cette modification ininterrompue ?
Je vous laisse le soin d’y répondre, et à défaut de démontrer, arguments intellectuels et philosophiques à l’appui, la fausseté de mes affirmations sur des points très précis de désaccord concernant, tant la religion et la métaphysique en général que les démonstrations sur la « relativité », la non-absoluité, l’existence relative, de notre monde et de l’infinité des mondes infinis.
Dans cette éventualité, faute de quoi vous manifesteriez votre intention délibérée de continuer à colporter les mensonges et les « croyances au miracle » de l’époque, donc à tromper et à manipuler sciemment l’opinion, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, mes salutations philosophiques, laïques et républicaines, sauf à vous-mêmes, évidemment de démontrer le contraire.
Annexe, Texte, Mensonges et lâcheté des élites