Alexis (Feuillets d’automne: épilogue)

Par Montaigne0860

Mon amour,

Je crois vraiment que tu te moques. Tu écris que ta décision est irrévocable et j’en suis consterné. Je ne te savais pas à ce point encombrée de cet idéal ! L’amour n’est pas cette fusion dont tu parles… ce n’est pas elle seulement. J’entends bien ta terreur du temps, j’entends bien ta panique devant le risque de détricotage de notre relation parfaite. Mais parfaite l’est-elle tant que ça pour que tu me places ainsi face à une décision qui est le fait de toi seule ? Tu ne m’aimes pas. L’amour c’est toi et moi. Je suis là aussi. Ce que j’ai lu, m’accable : où suis-je ? Où suis-je dans ton discours aberrant ? Où suis-je dans l’idée que tu te fais de notre amour ?

Il est curieux que tu proposes que nous nous séparions pour que la fusion se prolonge ! Quelle stupide paradoxe ! C’est en nous séparant que nous serions mieux ensemble ? Ce serait risible si ce n’était tragique.

S’il y avait eu amour, nous aurions dû en parler ; tu aurais dû entendre mes objections et ne pas te lancer seule dans ce délire écrit qui me cerne, m’étouffe et me détruit. Ai-je jamais existé à tes yeux ? Je vois bien que je n’étais que ce que tu voulais que je sois. Oui, ce fut un bel amour, je suis d’accord, inoubliable… mais que tu es lâche ! Tu es lâche parce que tu m’écris un texte que je maudis au lieu de m’en parler directement, et tu es lâche parce que tu paniques face au temps, alors que j’aurais pu t’aider à naviguer sur ce fleuve qui ne s’arrête jamais. Aimer, c’est affronter ensemble ces distorsions que tu décris, c’est s’appuyer sur l’autre pour avancer, c’est une lutte avec le temps, pas contre lui. Nous changeons (les modifications ne sont pas seulement physiques) et je suis persuadé que nous aurions pu courageusement faire face ensemble à ces ennemis que l’on tisse au quotidien… Non, tu n’as aucun courage. Par angoisse, tu veux figer une relation qui devait se déployer dans le passage et la vie… Des enfants nous attendaient, idiote !

Ma douleur est infinie : je quitterai le château si tu ne reviens pas sur ta décision.

Sors de cet idéal qui nous tue !

Alexis