à Claire Ceira, pour L’Enfance
Les éditions Arfuyen ont récemment publié un recueil de Bernard Vargaftig : « Ce n’est que l’enfance » (voir cette critique). Au mitan du livre le poème qui lui donne son nom :
Ce n'est que l'enfance
Il y a cette dévastation
Ce mot cette peur dont le manque a bougé
Que vitesse et dunes connaissentQuand le commencement surpren
Et jamais l'intégrité ne s'interrompt
Avec l'écho qui suit les paysages
Éboulis chaque fois si réelComme t'approcher m'envahit
Comme l'espoir nomme
L'espoir dans la blancheur d'un parfum
Où l'aveuglement ne se retourne pas
Par bonheur il sera donné désormais de pouvoir lire en se souvenant de la façon dont le poète, en fidélité à Jouve, est « diseur de mots », en se rappelant aussi comment il regarde les êtres, le monde, en leur présent et en leur devenir. Les éditions Au Diable Vauvert viennent de produire un DVD-livre qui est petit miracle d’équilibre, de pudeur et de justesse. Retournant sur les lieux d’enfance de l’auteur (la région de Limoges, Buzançais), la cinéaste Valérie Minetto et la scénariste Cécile Vargaftig donnent d’entendre au plus près la poésie d’une vie toute marquée par « l’aveu même d’être-là ». L’expression avait frappé Maurice Regnaut, qui, postfaçant Eclat & Meute (supplément du n° 69 d’Action Poétique) reprenait ainsi :
Le poème ? En ce cœur du monde, en cette pure intimité intensément commune, il est, amour parlant, l’aveu même d’être là.
Qu’il lise (dans son appartement nancéien) Reverdy, Jouve ou Hugo : un extrait de Melancholia : « Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit? … » - écho de son engagement, mais dit-il existe-t-il un poète « dégagé » ? – ou qu’il nous révèle (Poème du banc) à quel point compter (les syllabes) est de l’essence même du poème, Bernard Vargaftig nous convainc sans emphase qu’il écrit bien non pas « pour être lu » , mais pour vivre.
Le livre, inséparable du DVD, s’ouvre avec une préface de Pascal Maillard : Le corps vivant du poème, une amicale et précise relecture du travail réalisé, en même temps que de l’œuvre du poète, de son sens. Dans un inédit, qui est en quelque sorte son « making of », intitulé « A la volette », chanson d’enfance s’il en est, celui-ci nous dévoile, mais à vous de le lire, qui au cœur de ce film et à chaque instant fait que la vie, le poème commencent.
Le dialogue entre la cinéaste et la scénariste soulignent en suite comment la manière de procéder épouse l’intention, tandis que la suite de textes : ceux lus dans le film, en complément, auxquels s’ajoute Eclat & Meute en totalité, constitue bien une sorte d’ « autobiographie poétique ».
Enseignants, bibliothécaires disposent avec ce livre-DVD d’un outil de choix pour faciliter, provoquer la rencontre d’un homme, d’une œuvre, inséparablement et aussi d’une histoire qui est celle de tous : à l’heure des « devoirs de mémoire », un témoignage juste situe sans phrases ce qu’il en est : « Ce dénudement qu’il y a /Ce manque offert à l’aveu ».
Pour mémoire, l’autre, rappelons que Bernard Vargaftig a reçu cette année le prix Nathan Katz pour l’ensemble de son œuvre, et que ses amis se réuniront en sa présence à Cerisy début juillet pour un colloque intitulé « Avec les poèmes de Bernard Vargaftig, l’énigme du vivant. »
Contribution de Ronald Klapka