Il y a quelques semaines l’ami Corto
réagissait à une
information indiquant que des profs d’un lycée professionnel avaient engagé
un mouvement de grève pour protester contre le renvoi dans son pays natal (le
Cameroun) d’une jeune fille immigrée en situation irrégulière.
Cette jeune fille de 24 ans était élève depuis plusieurs années dans le
Lycée dont elle avait manifestement bénéficié du silence complice sur sa
situation…pourquoi pas, pour autant la question posée par Corto reste tout à
fait pertinente : la grève des professeurs pour cette seule raison
est-elle légitime ?
Dit autrement, comment des employés de l’Etat, chargés d’éduquer nos enfants
et notamment de leur faire comprendre que les lois de la République doivent
être respectées, peuvent-ils s’opposer ouvertement et dans leur cadre
professionnel à l’application de l’une d’entre elles ?
Reconnaissons que cette question se pose bien plus souvent lorsqu’il s’agit
d’immigration que sur un autre sujet.
Cette histoire est loin d’être un cas isolé, même sans évoquer les associations ou
« collectifs » qui se battent pour la régularisation des sans
papiers, j’avais déjà commenté en 2007 l’action de
personnes, pas spécialement engagées, qui avaient physiquement entravé le bon
déroulement d’une action policière sous prétexte qu’ils ne la considéraient pas
légitime au regard de leurs propres opinions !
A l’époque, c’était l’arrestation d’un « grand-père » d’origine
asiatique, également en situation irrégulière, qui avait été pris dans ce que
certains qualifiaient de rafle !...terme évidemment extrêmement connoté
!
L’élément déclencheur de la réaction « citoyenne » avait été que
l’interpellation a eu lieu devant l’école dans laquelle le petit fils du
grand-père était scolarisé.
En réalité, il s’avère que les flics avaient fait une descente dans un bar
proche, dont ils soupçonnaient une partie de la clientèle de se livrer à
quelques trafics et le malheureux grand-père en question qui y buvait un coup
avant de venir récupérer son petit fils avait été pris, presque par hasard,
dans les mailles du filet.
Certes les flics, n’avaient pas vraiment fait preuve de délicatesse, et leur
réaction face à la colère « citoyenne » fut pour le moins
disproportionnée sinon brutale ce qui est évidemment tout à fait inadmissible,
mais il n’en reste pas moins que, là encore, on se trouve face à une situation
anormale en démocratie de contestation radicale d’une loi de la république par
des citoyens « ordinaires ».
Et régulièrement, l’actualité de l’immigration clandestine nous montre des
actes de « résistance » à l’action des la force publique ou de la
Justice et pas spécialement de la part d’activistes habitués de la chose mais
de personnes qui ne veulent qu’exprimer leur révolte devant une situation
qu’elles jugent moralement inacceptable.
Ces réactions aussi justifiables qu’elles puissent être sur un plan moral
doivent amener à s’interroger.
Nous sommes dans une démocratie qui a certes ses faiblesses mais qui
néanmoins fonctionne plutôt bien. S’opposer sélectivement à ses lois parce
qu’on considère soit quelles ne sont pas bonnes, soit que chacun peut lui
imposer des exceptions sur la base de critères moraux c’est à dire tout à fait
personnels, n’est guère admissible. La désobéissance civique ne peut se
justifier qu’en cas de situation grave.
Sinon, c’est ce qu’on appelle le respect de la loi à géométrie variable
!
Et dans ce cas, comment contester la réaction de celui qui ne comprend pas
pourquoi il a été condamné alors qu’il n’avait fait « que » tabasser
sa femme, participer à une « tournante » ou brûlé quelques voitures
histoire de se distraire avec ses potes ! …au vue de sa propre morale, ces
actes ne méritaient pas un tel châtiment !
Pour autant, on ne peut ignorer le problème, d'autant qu'on n'est pas
certain de ne pas avoir la même réaction dans ce type de situation.
Le problème posé par l’immigration illustre parfaitement l’écart qu’il y a
entre des grands principes définis et votés par les instances gouvernantes du
pays et généralement acceptés par la majorité de la population, et le
traitement des cas individuels. Les principes n’ont ni nom, ni visage, ils ne
parlent pas, ils ne sourient pas et ne souffrent pas !
Les principes qui sous-tendent les lois sur l’immigration sont définis à
partir de raisonnements intellectuellement tout à fait acceptables et
respectables. Sauf à faire preuve d’un bon gros sentimentalisme bien naïf, il
parait normal de d’opérer un filtre parmi ceux qui prétendent venir s’installer
en France. Et dans ce cadre, il faut savoir ce que l’on veut, soit on filtre
l’immigration et on accepte que certaines demandes soient refusées et en
corolaire évident que ceux qui malgré tout s’incrustent soient expulsés, soit
on ouvre grand les portes !
Il ne rime à rien d’établir des règles et de fermer les yeux lorsqu’elles ne
sont pas respectées.
Evidemment, derrière ces froides notions de français, d’étranger,
d’européens, de non européens, de ressortissants, de regroupement familial, de
qualification professionnelle ou de papiers en règle,on trouve une multitude de
cas individuels, on trouve des personnes avec leurs visage, leur parole, leurs
sourire et leurs souffrances …surtout leurs souffrances lorsqu’il s’agit
d’immigration clandestine !
Devant ces drames humains, il est normal de s’insurger surtout lorsque la
loi est strictement appliquée dans toute sa rigueur et donc sa
brutalité.
Mais pour autant, pourquoi faire une exception à la loi pour Myriam (Myriam
est un pseudo je ne connais pas son nom) parce qu’elle a réussi à rester
illégalement en France pendant 4 ans sans se faire prendre et à suivre des
cours dans un Lycée, et pas pour Rachid, Abdoula ou Mohammed qui ne
connaissaient personne et se sont fait renvoyer dans leurs pays par le premier
charter disponible et dans l’indifférence générale ?
On ne peut pas traiter les cas en fonction des pressions qu'opèrent les uns
et les autres et lorsqu’un sujet provoque de telles réactions de rebellions
contre l’autorité, et lorsque l’application de la loi vient si souvent en
contradiction avec certaines valeurs de la république, on ne peut pas faire
l’économie d’un grand débat national à l’issu duquel une décision collective
doit être prise ….et respectée par tous !
Pourtant, à part le FN il y a fort à parier qu’aucun candidat n’osera faire
de ce sujet un de ses thèmes de campagne. L’immigration est le type même de
sujet sur lequel il n’y a que des coups à prendre, trop de tabous et de
sectarisme, le genre de sujet qui provoque plus de passions que de
débats.
Malheureusement, ne pas se poser ces questions, c’est laisser la parole à
ceux qui n’ont pas nécessairement les bonnes réponses et ce sujet est trop
porteur de désespoirs et de drames humains pour le laisser entre les mains du
Front National !