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Lettre ouverte aux candidats à l'élection Présidentielle

Publié le 27 janvier 2012 par Cdefi

Lettre ouverte aux candidats à l'élection PrésidentielleMonsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les candidats à l'Élection Présidentielle,  
Au printemps prochain, la France élira un nouveau Président de la République. Ce choix doit être, plus que jamais, celui d'un projet de société. En effet, la crise que nous traversons aujourd'hui nous oblige à prendre acte d'un changement de paradigme. Les réformes que nous engageons - et que nous devrons encore approfondir au cours des prochaines années - devront tenir compte d'un environnement nouveau marqué par la concurrence croissante d'économies émergentes.  Ce changement interpelle notre Société toute entière et les réponses que nous devons y apporter ne peuvent être que globales.
Dans ce bouleversement que nous vivons, notre capacité d'innovation et notre compétitivité seront essentielles. Notre aptitude à nous projeter dans un contexte international le sera tout autant. Ces mutations seront profondes et doivent se décliner sur tous les pans de notre société. Ces changements, nous saurons les opérer si nous encourageons le dynamisme et redonnons une ambition à notre jeunesse. Une Société qui innove est une société qui donne du souffle à ses jeunes, qui les laisse entreprendre, qui les rassure sur leur avenir et qui les prépare au mieux à leur vie professionnelle future. C'est l'une des clés de la croissance durable de notre pays et de son attractivité. C'est l'un des rôles qui incombe à notre Enseignement supérieur public et privé et à notre Recherche.


Nous avons, depuis presque dix ans, engagé un profond mouvement de rénovation de notre Enseignement supérieur et de notre Recherche. C'était une nécessité. Depuis 5 ans ces réformes se sont accélérées avec l'accession à l'autonomie. Elles ont essentiellement contribué à revaloriser l'image de nos universités. Mais aujourd'hui, le défi qui nous fait face est d'une autre nature. Dans cette recherche de compétitivité et d'attractivité, nous devons désormais changer de terrain de jeu. Nous ne pouvons plus penser la réforme de notre Enseignement supérieur et de notre Recherche comme une fin en soi. Nous devons la mettre au service d'une politique publique globale et volontariste axée sur le développement économique et social. Chaque établissement se doit d'assumer ses responsabilités et de tirer les conclusions des besoins exprimés par la Société quand elle consent pour son Enseignement supérieur un investissement majeur.


Ce changement ne pourra pas non plus se faire en se concentrant uniquement sur une catégorie d'établissements au détriment d'une autre. Un investissement spécifique était nécessaire pour les universités. Nous l'avons admis et nous l'avons soutenu. Les politiques à conduire désormais imposent que l'ensemble des acteurs de ce secteur soient concernés et s'impliquent, chacun amenant sa spécificité et ses atouts. Cela suppose de rompre avec notre tradition française de cristallisation des oppositions entre écoles et universités. Ces vieilles querelles sont aujourd'hui largement dépassées ne serait-ce que parce que 56 écoles d'ingénieurs sont internes aux universités. Elles freinent les changements. Or, dans le contexte hautement concurrentiel actuel, chaque minute compte. Nous devons être conscients que la  richesse de notre système réside au contraire dans son pluralisme. Nous devons savoir en tirer tous les avantages sans le renier.  


Ce grand défi les écoles françaises d'ingénieurs y sont aujourd'hui prêtes. C'est l'origine de leur mobilisation, c'est le sens des 25 propositions que nous vous adressons à trois mois d'une échéance électorale majeure. Dépassant les revendications catégorielles, il s'agit d'une contribution à la préparation d'une économie dynamique et compétitive à l'horizon 2020. Ces propositions nous les formulons à la lumière de notre expérience nationale et internationale. Elles ont pour fondement la conviction forte que notre enseignement supérieur doit relever le défi de la modernisation de notre société ; que la France doit être réindustrialisée et que ce mouvement doit être collectif et impliquer l'ensemble des acteurs privés et public ; que les sciences et la technologie, sur lesquelles et pour lesquelles nos écoles d'ingénieurs se sont développées, seront les moteurs de cette réindustrialisation ; que l'industrie française a besoin que nous passions de 30 000 à 40 000 ingénieurs diplômés par an ; que l'innovation naissant au carrefour des disciplines, nous devons décloisonner nos formations entre elles et notamment travailler sur la complémentarité entre les sciences pures et les sciences humaines; qu'il faut réconcilier les citoyens avec la Recherche pour leur redonner confiance en l'innovation et que nous avons vocation à être des passeurs de sciences entre le chercheur et la société. Car l'industrie et la technologie ne sont pas la source des problèmes rencontrés par notre pays, mais, bien au contraire, des atouts maîtres pour retrouver croissance, et confiance dans le progrès humain.


Il ne s'agit là que d'assumer pleinement le mouvement dans lequel nous nous sommes engagés depuis près de 10 ans. Nous devons admettre que si l'enseignement scolaire a pour mission l'accession à la connaissance, notre rôle, dans le Supérieur, est de traduire ces connaissances en compétences parce qu'il est de notre responsabilité  d'offrir un avenir professionnel aux jeunes que nous formons. Ce travail les écoles françaises d'ingénieurs l'ont fait parce qu'elles ont été construites pour cela. Nous avons la prétention de penser que ce modèle « à la française » avec une habilitation par la Commission des Titres d'Ingénieurs (CTI) - malgré toutes les idées reçues dont on l'affuble - est un succès. Tous les ans, des pays étrangers émergents nous demandent d'implanter nos formations sur leur sol ou de les accompagner dans la création de leurs propres formations d'ingénieurs. Nos effectifs - dans un contexte de forte désaffection des jeunes pour les matières scientifiques - ont progressé de 112% en 20 ans. Notre taux de boursiers est supérieur à celui des masters des universités et lorsqu'on le compare aux taux d'insertion professionnelle de nos diplômés (près de 80% ayant trouvé un emploi 6 mois après la délivrance du diplômes), on voit combien les formations françaises d'ingénieurs sont de véritables ascenseurs sociaux.


Les raisons de cela sont multiples. Elles tiennent pour une grande partie à la proximité historique que nous entretenons avec le monde socioprofessionnel (dans notre offre de formation, notre gouvernance, les stages que nous proposons...). Nous y trouvons la source de notre  développement. Même si nous pensons que notre système est perfectible, nous sommes également convaincus que ce qui aujourd'hui fait sa force peut servir d'exemple et accompagner la nécessaire évolution que le système dans son ensemble doit poursuivre.


Dans cette course au développement de la Société et à la réindustrialisation du pays, nous savons apporter une partie de la réponse. Nous savons faire évoluer nos formations, répondre à l'exigence d'internationalisation, satisfaire de nouveaux besoins en accompagnant par exemple les actifs avec une offre volontariste en matière de formation tout au long de la vie. Mais nous devrons aller plus loin et favoriser l'émergence, au plus près des territoires - car  c'est là que résident les entreprises innovantes et que nous analyserons le mieux les besoins - d'ensembles  technologiques réunissant non seulement les établissements d'Enseignement supérieur  mais également les entreprises et les organismes de recherche. Ces grands établissements technologiques que l'on retrouve partout  dans le monde doivent émerger en France sur la base de projets entre acteurs d'un même site aux intérêts partagés et aux compétences complémentaires.


Mais cette partition n'aura que peu d'impact si elle ne s'accompagne pas de moyens adaptés. Là encore, la réponse ne peut être que collective. Nous devons poser sans tabous la question du financement de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Notre dépense moyenne par étudiant reste inférieure à celle de nos principaux partenaires étrangers. Penser que la solution réside dans le seul accroissement du financement public est irresponsable en période de crise. Croire que l'augmentation des frais d'inscription est le seul levier possible est réducteur. Parce que nous proposons de participer à un projet de société, parce que nous voulons rentrer dans une dynamique collective, nous devons penser ce financement en y associant l'ensemble des acteurs (Etablissements, pouvoirs publics, entreprises, étudiants...)

Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les Candidats à l'Election Présidentielle, nous pensons que la France doit être  fière de son Enseignement supérieur - qu'il soit public ou privé - et  de sa Recherche, dans toute sa diversité parce que ce modèle est attractif et  parce qu'il porte en lui une partie des clefs de nos succès de demain. Nous avons deux missions : former les cadres futurs, et réconcilier la Société avec la Recherche et la Technologie qui sont facteurs de progrès. Pour satisfaire ces missions, nous ne pouvons pas rester en dehors des préoccupations sociales. Les propositions que nous vous adressons ont pour ambition de remettre notre Enseignement supérieur et notre Recherche au cœur de la Société parce que nous avons la responsabilité de redonner de l'espoir et des perspectives aux jeunes de notre pays. Pour cela nous avons besoin de vous.  


La véritable ascension sociale est celle qui sait garantir un avenir professionnel à ses jeunes en fonction du mérite de chacun. Ce système-là a fait la richesse de la France au début du 20ème siècle. Nous devons le remettre en mouvement et ce mouvement ne peut-être que collectif. Nous y sommes prêts.


Christian Lerminiaux

Président de la Conférence des Directeurs des Ecoles Françaises d'Ingénieurs


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