Metteur en scène de plus en plus demandé (Très chère Mathilde, L'Ouest Solitaire, Harold et Maud...), Ladislas Chollat, ancien assistant et collaborateur de Gildas Bourdet, prend la plume pour la première fois et co-signe avec Patricia Haute-Pottier une oeuvre aussi légère qu'intense, s'interrogeant avec simplicité et authenticité, sans grande phrase ni théorie sentencieuse, sur la direction que chacun choisit, ou pas, de donner à sa vie.
On connaissait les pièces traitant des trentenaires ou quadras bobos installés, souvent en crise existentielle, Chollat choisit d'évoquer la décénie qui précède, celle durant laquelle beaucoup de choix sont encore possibles, pour peu que l'on se mette un coup de pied...
Afin d'illustrer son propos, il met en scène Lukas (Nicolas Giraud), jeune homme sage et sans histoire, un peu lisse, bon élève, étudiant honorable, en couple depuis 12 ans avec Nora (Clémentine Poidratz), bientôt marié... Bref, dans un "moule" qu'il s'est lui-même imposé, souhaitant correspondre à l'image que son entourage avait de lui, ses parents ou ses proches, comme son amie Blanche (Aurore Auteuil). L'image de quelqu'un toujours là où on l'attendait. Et puis, soudainement, il décide de "faire une pause" dans cette vie semblant sur des rails, ne se rend pas au rendez vous que Nora lui a donné pour l'essayage de sa robe de mariée, et quitte le domicile conjugal... Une décision qui aura des conséquences sur l'existence des trois personnages évoqués ci-dessus, mais également, de façon plus surprenante, sur celle de Claude (Roger Dumas), écrivain sujet de la thèse de fin d'études de Lukas.
L'écriture est vive, moderne, tendue. Intelligente mais pas prétentieuse. Théâtrale, multipliant situations et séquences : face à face, conversations téléphoniques, échanges épistolaires, monologues... Les mots sonnent juste dans la bouche de protagonistes soigneusement dessinés. Si elle comporte peut-être quelques petites faiblesses, la construction de l'intrigue se tient cependant parfaitement. Un auteur est né, c'est certain.
Pour donner vie à tout ça, quatre comédiens à la sensibilité à fleur de peau qui ont su nous toucher. Nicolas Giraud associe brillamment fragilité et détermination. Clémentine Poidatz nourrit formidablement ses regards et silences. Aurore Auteuil, si elle doit encore apprendre à respirer son texte, fait preuve d'une belle sincérité. Roger Dumas, enfin, incarne avec élégance la sagesse de celui qui, même tardivement, a su donner du sens à sa vie.
A l'image du texte, la mise en scène va à l'essentiel, sans temps mort, d'une appréciable fluidité cinématographique. Le recours à la vidéo et à l'animation par petites touches est d'ailleurs réussi.
Frais, émouvant, positif, parfois naïf mais jamais niais, ce spectacle fait du bien.
Soyez à l'heure (19 heures !) au rendez-vous.