En un monde parfait - Laura KASISCHKE

Par Liliba

 

Voici une histoire qui commence comme un conte de fées. Jiselle a passé la trentaine et est toujours célibataire, bien qu’elle soit plutôt jolie, et indépendante : elle est hôtesse de l’air. Elle est sur un petit nuage lorsque Mark Dorn, un superbe pilote veuf et père de trois enfants (caricature du playboy, le genre de type qui me faisait fuir à toutes jambes quand j’étais plus jeune…), la demande en mariage, après l’avoir courtisée, au grand dam des ses collègues de travail, jalouses de ne pas avoir été choisies par leur idole…

Malgré son âge avancé (ou à cause de, sa mère se plaignant souvent que sa fille ne soit toujours pas « casée »…), Jiselle se jette à corps perdu dans cette histoire sans réfléchir plus loin que le bout de son joli nez. Certes, être l’amante de ce bel homme dont rêvent les autres est très valorisant pour cette jeune femme qui n’est pas vraiment émancipée, ni très bien dans ses pompes. Certes, se voir offrir le mariage tant rêvé est exaltant, de même que les week-ends que les deux amants passent dans les capitales d’Europe, se retrouvant entre deux avions… Tout cela est d’un romantisme fou, n’est-ce pas ?

Sauf qu’on a envie de lui botter les fesses, à cette demoiselle, et de lui dire d’ouvrir un peu les yeux ! Epouse-t-on de nos jours un homme qu’on connaît à peine ? Et qui plus est, l’épouse-t-on sans avoir rencontré ses enfants ? Cette situation m’a semblé au départ tout à fait invraisemblable,  et puis je me suis dit que c’était cependant possible pour certaines femmes, moins râleuses ou exigeantes que moi, moins suspicieuses aussi…

Elle quitte donc son emploi d’hôtesse de l’air (ça tombe bien, elle en avait marre de son boulot), se marie en vitesse (un mariage raté en tous points, ce qui m’aurait fait flipper, moi, quant à l’avenir !) et se retrouve en pleine campagne dans une région qu’elle ne connaît pas, dans une maison où trône encore le portrait de la défunte épouse, qui la suit des yeux, et où l’attendent 3 gamins (dont deux ados en pleine crise, il faut le préciser !) qui ont déjà, sans l’avoir vue, une dent contre elle et envie de lui pourrir la vie…

Aïe !

Mais Jiselle se révèle. Elle est douce, patiente, prend sur elle, ne rentre pas dans le jeu de l’ado en révolte qui fait tout pour la faire hurler (que cette sale gosse n’essaye pas de me piquer mes chaussures, à moi !!!). Elle fait bonne figure malgré les absences du beau Marc qui continue à sillonner la planète dans son avion, et malgré la sournoise et désagréable atmosphère qui règne.

Une mystérieuse épidémie frappe en effet les Etats-Unis, qui se retrouvent comme en état de siège, presque de guerre. La violence gronde, les gens s’épient, le système est dirait-on en train de s’effondrer. Et même les pays étrangers ne respectent plus rien, puisque Marc est obligé de rester en quarantaine en Allemagne, qui craint une contamination de sa population…

C’est là que ce roman devient vraiment passionnant. Cette jeune femme somme toute bien falote et superficielle au début du roman va se révéler à elle-même et à son entourage et devoir prendre les rênes de cette famille qu’elle s’est choisie. La placidité de son caractère va en prendre un sacré coup, puisque l’auteur nous emmène dans un univers un peu fantastique, un monde légèrement terrifiant, bien que peu différent du nôtre. L’angoisse ronge Jiselle, et bientôt les enfants de son mari, dont elle a la charge en son absence, et elle nous ronge aussi, puisque nous sentons que personne ne sortira indemne de cette histoire.

Malgré ce que Jiselle avait imaginé en contractant de mariage flatteur, ce monde n’est pas parfait, loin de là !

Un roman très prenant que j’ai lu avec grand plaisir, même s’il y manque à mon goût une très nette tranche de crédibilité. Le mariage de Jiselle est un peu rapide et surtout je n’arrive pas à concevoir qu’on épouse encore quelqu’un sans rien en connaître. Cette femme semble totalement en marge de l’actualité de son pays, pourtant grave, alors qu’une hôtesse de l’air, qui a parcouru le monde devrait avoir l’esprit ouvert et à mon sens, pourrait éprouver un peu plus de curiosité face aux évènements extérieurs. Les enfants semblent faire peu de cas de leur père, alors qu’il était encensé au tout début, et je trouve que leur caractère change bien vite…

Par contre, tout ce qui a trait dans ce roman à l’épidémie est passionnant. Nous voilà en train de revivre dans une dimension bien supérieure les crises de la vache folle ou du mouton dingue (je ne sais plus comment cela s’appelait !). Notre société, qui a poussé jusqu’au bout l’utilisation de la nature et de ses ressources se retrouve projetée des années en arrière (que dis-je, des centaines d’années !). L’électricité n’est plus fournie, ou sporadiquement, il n’y a plus d’essence, les autorités se sont enfuies vers des cieux plus calmes et moins dangereux… tout part à vau l’eau et cette partie-là du roman fait vraiment frémir, tant elle est réaliste, crédible…

Un roman très intéressant que je vous conseille, même si ce n’est pas un coup de cœur.