L'article que j'écris aujourd'hui m'a posé un problème : dans quelle rubrique allais-je le mettre ? Entre "Actualité" et "Société", c'est souvent le cas. Mais celui-ci pourrait tout aussi bien s'inscrire dans "Pouvoir" ou dans "Economie". C'est que son sujet, je veux dire par là le personnage qui l'a inspiré, est par nature un "touche à tout". J'ai bien dit par nature : c'est bien la nature de sa fonction qui lui donne obligation de s'intéresser à tout. Et c'est sa propre nature qui le pousse, sur cette base, à s'occuper de tout. Pas facile pour un seul homme. Mais, pour l'instant au moins, il semble y parvenir. Quoique...
On aura compris que je parle ici de l'interview que le Président de la République vient d'accorder au journal Le Figaro, raison pour laquelle j'ai finalement choisi la rubrique "Actualité".
Une précision importante avant toute chose : je n'ai aucunement l'intention de m'intéresser à cette interview d'un point de vue politicien. La couleur politique du Président importe peu dans mon propos d'aujourd'hui, et je ne m'intéresse ici qu'à la fonction, pas à l'homme.
En dehors de quelques soubresauts et de quelques gesticulations (trop) largement mis en exergue par une presse avide de sensationnel et toujours prompte à se précipiter sur n'importe quel évènement susceptible de lui faire "vendre du papier", en dehors donc d'articles au vitriol dans une presse de gauche ravie d'avoir des raisons de gloser ou dans une presse à sensation toujours l'oeil fixé au "trou de la serrure", nous avons été un certain nombre à noter un silence aussi assourdissant qu'inhabituel au sujet du chef de l'état et de son action, et ce depuis deux longs mois. Bien évidemment, la "machine à démolir" qu'est son opposition en a profité pour faire semblant d'exister. Seuls certains ministres, et le premier d'entre eux, nous rappelaient que le gouvernement continuait de gouverner...
Même si ce fonctionnement de l'état peut sembler tout à fait normal à certains, et ils sont parfaitement respectables, ce n'est pas d'une part ce à quoi le pouvoir nous avait habitués depuis les dernières élections présidentielle et législative, ni d'autre part ce à quoi, de toute évidence, les Français aspirent, si l'on en juge par l'évolution des études d'opinion durant la période récente. En fait, l'omniprésence et l'hyper activité auxquelles le Président nous a habitués, y compris dès avant son élection à la tête de l'état, est tellement entrée dans les moeurs politiques de notre pays qu'une "baisse de tonus" est aussitôt interprétée comme un délaissement, voire comme une trahison.
La fonction présidentielle a beaucoup évolué au fil des années, et si dans l'esprit de la Vème République, le Président est l'inspirateur de la politique que d'autres (le Gouvernement) mettent en oeuvre, principe qui a été appliqué, dans l'image sinon dans les faits, par ses prédécesseurs à l'exception de De Gaulle, Nicolas Sarkozy a renoué de manière significative avec la façon d'agir du Général, et les Français ont aussitôt plébiscité cette "nouvelle" image de la Présidence.
Pressé sans doute par les parlementaires de sa majorité, qui voulaient avoir "les mains libres" dans la campagne électorale pour les municipales et les cantonales, il a mis en sourdine son action et son image, et je pense personnellement qu'il a eu tort. La politique de la France ne se fait pas à la corbeille (parole célèbre). Elle ne se fait pas non plus, ni dans la rue ni dans les sondages, ni même en fonction des humeurs des candidats aux élections, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition. Certes, la politique n'a pas cessé d'être menée à bien durant cette période, mais elle a cessé d'être expliquée, ce qui, compte tenu de l'ampleur des réformes entreprises, et de la nécessité d'user de pédagogie pour les faire admettre à l'opinion, est au mieux une erreur et au pire une faute.
Aujourd'hui, le Président brise enfin son propre silence, et je pense que c'est une excellente chose. Il reste à espérer, et c'est mon cas, que la teneur de son interview entrera effectivement dans les faits :
- La campagne des municipales, pas plus que leur résultat, ne doit influencer en aucune manière l'action du gouvernement
- Les réformes doivent être menées à leur terme et au rythme voulu, quel que soit ce résultat
- L'ouverture politique est un mode de gouvernance respectueux de la diversité des sensibilités politiques dans le pays, et n'a aucune raison objective d'être abandonnée
- La baisse de popularité du Président mesurée par les sondages est sans aucun doute pour partie due à certains aspects de son comportement, et il en porte ainsi une part de responsabilité. La hausse symétrique de celle du Premier Ministre prouve s'il en était besoin que la politique menée n'est pas rejetée par l'opinion majoritaire. Les aléas de leurs cotes de popularités respectives ne doit donc en aucun cas infléchir la politique menée, et elle doit l'être avec détermination
- Il n'y a non plus aucune raison objective de remanier en profondeur, ni le gouvernement ni l'équipe élyséenne, en tout cas à l'aune de ce qui est rendu public
- Il faudra rassurer les parlementaires de la majorité en les associant plus étroitement aux décisions prises. Mais ces décisions doivent rester naturellement le fait de celui qui a été élu pour ça. L'intendance suivra...
- La prochaine étape de la "révolution" engagée des institutions est la réforme de l'état. Elle doit être engagée le plus rapidement possible. Les Français l'attendent. La France en a un besoin vital
- Les propositions du rapport Attali doivent entrer dans les faits chaque fois qu'elles s'avèreront judicieuses après un examen sérieux, sans tenir compte d'aucune chapelle, d'aucun lobby ni d'aucune pression.
Dès la fin de la trêve parlementaire, ce Président qui nous a paru absent un temps, qui redevient heureusement visible aujourd'hui, doit très rapidement, et avec efficacité, présider à nouveau au changement, et le gouvernement gouverner. En gardant vaillamment le cap qu'ils se sont fixé. Le pays n'a pas le temps d'attendre. Il ne reste que quatre ans. Et c'est peu...