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"Sortir du nucléaire" versus "Emettre du CO2"

Publié le 26 janvier 2012 par Francisrichard @francisrichard

L'année dernière le parlement suisse a décidé de sortir du nucléaire, deux mois après ... Fukushima. L'émotion, sans doute. Cela dénotait un manque cruel de réflexion et, surtout, un opportunisme politique néfaste.

Dans la dernière livraison - celle de décembre 2011 - de Reflex, une publication de l'EPFL ici, Benjamin Bollmann s'est entretenu sur le thème de "la Suisse après le nucléaire" avec Hans Björn Püttgen, qui est le "spécialiste incontournable des questions énergétiques en Suisse" et qui, depuis 2006, dirige l'Energy Center de l'EPFL.

Püttgen s'étonne de cette décision soudaine :

"En tant qu'ingénieur, j'ai l'habitude de procéder à l'analyse d'un problème avant de proposer un certain nombre de solutions et de prendre une décision. Dans ce cas la Suisse a pris une décision avant même de se demander comment elle allait procéder."

Quand j'étais petit et quand je m'emballais, mes parents me demandaient de ne pas mettre la charrue avant les boeufs...

Püttgen n'est pas un défenseur à tout crin du nucléaire, qui est une technologie chère et délicate, sans parler du problème des déchets, lequel n'est toujours pas résolu de façon satisfaisante, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais il aurait fallu raison garder, et ne pas oublier non plus que cette technologie est très bien maîtrisée en Suisse. Aussi :

"Il s'agit désormais de planifier la sortie de manière raisonnée, à moyen et à long terme."

Si Püttgen pense que les énergies renouvelables pourraient couvrir les besoins helvétiques en électricité dans le dernier quart de ce siècle, peut-être avant, ce ne sera de toute façon pas avant 2050. Il faudra vraisemblablement un mix d'éolien - personne ne veut cependant d'éoliennes devant son nez -, de solaire et d'efficience énergétique, sans compter qu'il faudra résoudre les problèmes de stockage de ces énergies intermittentes.

Entre-temps le déséquilibre électrique se produira en Suisse dès 2020 avec la fermeture des premières centrales nucléaires et sera accru en 2040 avec la fermeture des deux dernières. Certes la demande électrique diminuera, mais ce sera progressif, et, de manière modérée, en tout cas jusqu'en 2030. Comme l'énergie hydraulique sera peu susceptible d'augmenter ...

Alors, que faire si les importations sont exclues du fait de la remise en cause probable du nucléaire en France et du déséquilibre créé en Allemagne, cette année déjà, par la fermeture de la moitié de ses centrales nucléaires, ce qui l'a contrainte à rouvrir des centrales au charbon désaffectées, avec un impact non négligeable en émissions de CO2 ?

"Comme solution intermédiaire, nous aurons de la peine à éviter la construction de quelques centrales à gaz. Ce n'est pas une solution idéale, mais elle est inévitable."

Quatre devraient suffire. Mais... Il y a un mais. Elles émettront beaucoup de CO2. Chacune émettra l'équivalent de ce qu'émettraient 250'000 voitures supplémentaires... Certes il existe des techniques de capture et de stockage du CO2, mais elles sont très chères... Quant aux techniques de recyclage transformant le CO2 en carburant synthétique et en produits chimiques, elles sont encore à l'étude à l'EPFL...

A vouloir éviter la peste des déchets nucléaires on ne fera probablement pas l'économie du choléra des émissions de CO2 ... C'était bien la peine !

Je croyais qu'il ne fallait jamais confondre vitesse et précipitation...

Francis Richard


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