Jouets, bijoux, peintures, vêtements, tous sont composés de substances chimiques. Or, certaines peuvent être dangereuses pour la santé humaine et l'environnement. Afin d'éviter tout danger, la réglementation Reach oblige les industriels à déclarer les substances qu'ils utilisent, à établir quelles sont celles sans danger et à ne plus les utiliser en cas de risque. Quelles sont les substances et les entreprises concernées ? Comment va évoluer cette réglementation en 2012 ?
Entré en vigueur le 1er juin 2007, le règlement Reach poursuit son travail d'évaluation et d'enregistrement des substances chimiques présentes en Europe. Après une première étape en 2010, il s'apprête à être réexaminé en 2012. Un petit point sur la situation*.
Mieux connaître les produits chimiques en Europe
Le règlement Reach a été mis en place afin d'enregistrer, d'évaluer et d'autoriser (ou de restreindre) les produits chimiques présents sur les marchés européens - sauf ceux dépendant déjà d'une autre directive, comme celles des produits phytosanitaires ou des biocides.
L'ensemble des acteurs du secteur le reconnaissent désormais : Reach est apparu car les substances chimiques présentes sur le marché n'étaient que très peu évaluées en terme de risques et/ou dangers. Un manque de connaissance qu'il fallait absolument combler, en raison notamment d'une imprégnation chimique de plus en plus forte dans nos sociétés.
Une première échéance a eu lieu le 30 novembre 2010 et a permis l'enregistrement de 4300 substances chimiques. Elle concernait les substances chimiques les plus dangereuses (CMR ou Cancérigènes, Mutagènes ou toxiques pour la Reproduction, produites ou importées à plus de 1 tonne par an), ainsi que les substances produites ou importées à plus de 1000 tonnes par an. Deux autres échéances sont prévues, en 2013 et 2018. Si le travail déjà accompli est impressionnant, celui qui reste à faire est colossal... A terme, en 2018, 30 000 substances devraient être enregistrées.
Un premier bilan en 2012
En 2012 est prévu une révision globale de ce règlement. Tout d'abord en vérifiant ce qu'il englobe afin d'éviter les chevauchements avec d'autres textes législatifs de l'UE.
Le fonctionnement de Reach dans son ensemble, surtout, sera évalué au travers des informations fournies par les Etats Membres et l'Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA). La Commission rendra public un rapport sur les premières leçons à tirer de la mise en oeuvre de Reach, avec une attention plus particulière apportée aux coûts et à la charge administrative.
Suite à ce réexamen, les services de la Commission estimeront si une révision législative est nécessaire ou non. Alors, " révision en profondeur ou simple revue " questionne Marc Mortureux, directeur général de l'Anses... l'échéance 2012 ne remettra pas en cause Reach mais tentera de le clarifier quelque peu et de le rendre plus efficient...
Les avancées permises par ce règlement
Reach est en soi un progrès car il représente une prise de conscience à l'échelle européenne de la nécessité de mieux connaître l'environnement chimique auquel sont exposés les citoyens. Vécu tout d'abord comme une forte contrainte par les industriels, il peut devenir un atout : toutes les données désormais classées par l'ECHA - créée pour coordonner et mettre en oeuvre les aspects techniques, scientifiques et administratifs de ce règlement - forment en effet une base de données considérable.
Autre point clé : c'est aux industriels de monter les dossiers en vue des enregistrements de leurs substances et de prendre la responsabilité de leur usage. Ils doivent également fournir à leurs clients des fiches de données de sécurité. " On peut penser que Reach a un impact sur le processus en amont, presque préventif " souligne ainsi M. Mortureux.
Néanmoins, quand il existe des doutes concernant une substance, c'est aux Etats Membres de mettre en place une évaluation approfondie qui peut mener à des " mesures de gestion des risques ". Les substances extrêmement préoccupantes (SVHC) sont inscrite sur " la liste candidate ", en vue d'une inclusion à terme dans l'annexe XIV du règlement Reach (ces substances ne pourront plus être mises sur le marché sans autorisation préalable de la Commission, mais elles ne sont pas encore exclues). D'autres sont soumises à des restrictions. En France, l'Anses joue ainsi un rôle clé dans la mise en oeuvre de ces procédures.
Reach : ses difficultés et ses limites
Reach a connu une gestation particulièrement difficile en raison des intérêts fondamentalement différents des parties prenantes. " Les objectifs apparaissent comme antagonistes " souligne Olivier Fuchs, magistrat au tribunal administratif de Montreuil et chercheur associé au Centre de droit de l'environnement de Strasbourg, " d'une part la protection de l'environnement et de la santé et d'autre part l'amélioration de la compétitivité et de l'innovation des industries chimiques ".
Ainsi, les ONG comme Greenpeace ou le Réseau Environnement Santé en France s'impatientent aujourd'hui pour plusieurs raisons :
- La lenteur du processus tout d'abord. Etant donné la charge de travail, et les lourdeurs administratives imputables à la grande " machine européenne ", il n'existe pour l'instant que beaucoup trop peu de substances sur la liste candidate pour les défenseurs de l'environnement, qui attendent déjà l'éviction de celles-ci du marché et leur remplacement (ce qui représente également un immense travail de substitution qui n'en est qu'à ses balbutiements). " Les composés qui posent problème sont connus, comme les CMR, qu'attendons nous pour les lister tout de suite ? " s'interroge ainsi Tatiana Santos, qui travaille pour le compte de la confédération européenne des syndicats (qui représente 60 millions de travailleurs en Europe).
- Le manque de communication vis-à-vis des consommateurs. Pour l'instant, les données restent aux mains des professionnels. Même si l'ECHA promet une mise à disposition de la banque de données en 2012, pour l'instant, Reach n'est que peu ou pas lisible par les citoyens.
- Certains sujets qui touchent plus particulièrement les consommateurs restent en suspens, comme le cas des perturbateurs endocriniens, pour lesquels il n'existe pas encore de définition légale au niveau européen - malgré la liste rouge établie par les ONG. Les nanotechnologies également ne font pas l'objet d'un traitement spécifique. Faudra t-il établir une législation à part, ou réaliser une extension de Reach ? La révision de 2012 apportera, espérons le, une réponse.
Les années à venir seront donc décisives pour poursuivre la mise en place de Reach. En espérant que les citoyens - pensons aux nouvelles générations qui naissent déjà " contaminés " par de nombreuses toxines - seront protégés au plus vite contre les substances dangereuses qui nous entourent...
* d'après le colloque " Politiques de régulation des produits chimiques ", co-organisé par la Chaire de Développement durable de Sciences Po et l'Anses*, l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.