Pandi-Panda
une proposition de lecture de Sergio ( qu'est pas du Léon mais de Montpell.)
- Ce qu'on ne dit pas sur le panda-
"Déplacement en Boeing 777 à son effigie, accueil ministériel à Roissy, apparition dans les journaux de 20 heures, escorte de motards jusqu'à leur villa de 5 millions d'euros, gardes du corps, médecin personnel et nombreuse domesticité, ce n'est pourtant pas les Beckham qui débarquent le 15 janvier à Paris, mais Huan Huan et Yuan Zi, un couple de pandas géants. De véritables stars appelées à rejoindre l'équipe du zoo de Beauval, dans le Loir-et-Cher. À deux semaines de leur arrivée, Delphine Delord, directrice de la communication du zoo et fille de la fondatrice de l'établissement, est surexcitée au téléphone : "Ce sera un événement diplomatique ! Nicolas Sarkozy devrait venir le 11 février pour l'inauguration des installations à Beauval."
N'en fait-on pas un tout petit peu trop pour l'arrivée de deux oursons croqueurs de bambous, si mignons soient-ils ? Certes, la France n'est pas la seule à verser dans l'hystérie médiatique pour la venue de pandas. Le mois dernier, l'arrivée du couple Tian Tian et Yang Guang au zoo d'Édimbourg a déclenché la même ferveur, avec ministres, télé et tout le tralala. Jusqu'à la BBC qui considère Tian Tian comme une des femmes ayant le plus marqué l'année 2011 ! Pauvres pandas, pauvres femmes.
Certes, cette espèce est dans une situation critique avec seulement 1 600 à 3 000 individus dans la nature, mais disons-le tout net : de nombreuses espèces sont dans une situation tout aussi délicate, voire pire, et jouent un rôle écologique autrement plus important que le panda. Hormis tirer sur son bambou, celui-ci ne sait rien faire, pas même disséminer des graines avec ses défécations. Mais voilà, sa belle gueule le rend "tellement craquant", comme s'écrie Delphine Delord. Sa façon humaine de manger avec ses mains, son air de nounours et sa grosse tête attirent la sympathie. "Les gens aiment ses grands yeux, car cela leur rappelle ceux des enfants", explique Ron Swaisgood, directeur du Centre de recherche du zoo de San Diego. L'homme serait ainsi programmé pour avoir envie de protéger ce qui a l'apparence d'un petit enfant. Le WWF l'avait très bien perçu en l'adoptant comme emblème.
800 000 euros par tête
La Chine, également, a compris comment tirer un profit économique, diplomatique et médiatique de cet animal devenu le symbole de la nature. Étant la seule à en posséder sur son sol, elle distille les prêts avec un art consommé de la diplomatie. Quand elle loue un couple de pandas à un pays, c'est comme lui attribuer la croix de la Légion d'honneur. Aussi la décision n'est-elle jamais prise à la légère. Le zoo de Beauval a dû attendre six ans pour être exaucé. Le passage houleux de la flamme olympique chinoise à Paris a failli torpiller la négociation. En pleine crise européenne, Sarkozy a trouvé le temps de téléphoner à Hu Jintao pour lui parler panda. L'honneur de se faire confier un panda a aussi un coût : 1 million de dollars par an (800 000 euros) et par animal ! Le zoo de Beauval prétend que ce n'est pas son cas : "Je vous assure que nous ne louons pas Huan Huan et Yuan Zi ! Nous ne faisons que financer des projets de conservation sur place", explique Delphine Delord. Soit...Le panda étant classé en annexe 1 de la Cites*, Pékin est tenu de consacrer l'intégralité des revenus qu'il en reçoit à la protection de l'espèce. Mais qui va vérifier sur place ? Grand spécialiste du panda en France, Jérôme Pouille, créateur du site pandas.fr, précise que les Chinois ont décuplé le nombre de réserves depuis dix ans et créé des centres de recherche ultramodernes. L'effort de protection est certainement réel, mais, pour les écologistes, c'est le panda qui cache la forêt. À elles seules, les compagnies forestières chinoises ravageant les forêts tropicales asiatiques et la médecine traditionnelle déciment la biodiversité mondiale.
Pipolisation du panda
Selon la Cites, le transfert d'un panda ne doit pas avoir de but commercial, mais uniquement scientifique. Et Delphine Delord d'expliquer alors que le zoo de Beauval projette d'étudier le développement cardiaque chez l'embryon panda, sans être capable d'en dire plus. En revanche, elle est prompte à décrire en détail la somptueuse cité chinoise construite pour accueillir le couple vedette avec marbre et "tuiles vernissées importées de Chine". Ce n'est pas la seule dépense. Il faut également payer le salaire d'une vétérinaire et d'un soigneur chinois, durant deux ans. Et puis l'achat des bambous ! Les Écossais y consacreront un budget annuel de 80 000 euros. Autant que si le couple déjeunait dans un trois-étoiles chaque jour.Enfin, pour toute naissance, Pékin réclame une prime de 400 000 euros par an. Et souvent les pandas font des jumeaux ! Autant dire que, pour amortir la venue de Huan Huan et Yuan Zi, il va falloir que Beauval fasse marcher le tiroir-caisse ! Entre 100 000 et 200 000 visiteurs supplémentaires sont attendus. Mais sera-ce suffisant ? Selon Jérôme Pouille, les pandas du zoo d'Atlanta lui coûtent 2,1 millions d'euros pour une recette de 800 000 euros. Au zoo d'Adélaïde, régulièrement dans le rouge, l'afflux de visiteurs supplémentaires s'est vite effrité. "Vous savez, nous ne sommes pas des gens d'argent, mais de passion", rétorque Delphine Delord, se croyant au pays des Bisounours. Et d'expliquer que la pipolisation du panda sensibilise le public à la protection de la biodiversité mondiale. Un peu comme si la médiatisation des Beckham permettait de lutter contre la pauvreté dans le monde."
-Frédéric Lewino -article publié le 15 janvier sur Le Point.fr-
source: Toile
"L'homme est un animal raisonnable"-Aristote-