C’était aux halles Freyssinet cette saison, dans un gigantesque entrepôt aveugle, coutumier des frasques modesques du Tout Paris. Comme des fourmis dans une poupée russe, l’on pénètre dans un espace imbriqué dans le premier, encore plus noir, comme si la plus vieille maison de mode française voulait nous enfermer dans son univers onirique.
Soudainement, dans les épaisses ténèbres enfumées par une habile machinerie, un déluge de lumière inonde la piste. Comme un mirage, le défilé commence. Se succèdent des silhouettes filiformes et diaphanes, tantôt encapées dans de grands cabans en lainages aux bleus fanés, tantôt engoncées dans d’ectomorphes carcans aux allures militaires.
Un véritable défilé de silhouettes délirantes. Albert Elbaz et Lucas Ossendrijver jouent avec les proportions comme des alchimistes pas si amateurs, à coups de pantalons taille ultra-haute ou d’épaulettes oversize. Ils nous découpent des tenues amples ou rigides, toutes en longueurs et en volumes. Et c’est presque une prestation artistique que ces mannequins étranges pour certains aux visages même difformes, qui défilent dans l’obscurité brumeuse du catwalk, accompagnés par un musique hybride, comme cette collection, où un musicien maudit joue du piano à queue, sur fond d’électronique métallique.
Ce cortège bizarre est accessoirisé par de remarquables petites mallettes rigides et angulaires, recouvertes de cuirs fauves ou gris. Comme sorties d’Alice au Pays des Merveilles, elles complètent à merveille ces ensembles extraterrestres. It-accessoire en devenir ?
On notera également les apparitions répétées d’un tartan rouge sombre et noir, qui distillé par (petites) touches peut être du meilleur effet, ainsi que la réapparition des rayures, déclinées dans des oranges mécaniques et bleus profonds, infligées en total look.
Sinon, les casques aux inspirations nazies (pour ne pas dire Mouton Collet) disséminés parmi les tenues, viennent compléter à merveille les bottines tout aussi aryennes. Et le résultat est excellent.
Et on fermera les yeux sur les chaussures tennis, les cuirs blancs disgracieux, et un usage de la fourrure pas très heureux sur certaines pièces.