En ces temps où nous fêtons la sortie du Beaujolais nouveau et des cuvées 2010 pour oublier qu’il commence à faire un peu frisquet – ne pas oublier non plus à mettre du véritable antigel dans vos voitures –, j’ai remarqué une tendance un peu persistante ce mois de novembre 2011 : désormais, il n’est plus bon de rester tout seul dans son coin, à faire dans la monogamie, à être monomaniaque. Il est donc préférable de se frotter à ce qu’il y a d’étranger à son mode de pensée initial. Bref, mélangeons-nous !
Evidemment, cette tendance touche également la musique et finalement n’est pas nouvelle : Yvette Horner s’est bien frottée avec plus ou moins de bonheur à la techno, Sinead O’Connor et Shane Mc Gowan ont bien enregistré un duo (et ce n’est pas parce qu’ils sont Irlandais tous les deux que ce duo ne paraît pas pour autant incongru à l’oreille), Smell like Teen Spirit prend ainsi des allures jazzy, Ma Benz peut être susurré par des voix féminines, Beyoncé reprend Vois sur ton chemin aux Oscars : il semblerait qu’aujourd’hui, rien n’arrête le mélange. Même Rihanna a fait un duo avec Coldplay, c’est dire !
Tout cela pour vous dire que la musique peut générer toutes sortes de cocktails parfois incongrus. Quand en plus des artistes extérieurs à cet univers viennent s’y plonger… Voici donc mes petites explorations de cette quinzaine :
Des arts visuels à la musique : David Lynch est-il convaincant ?
Début novembre, les pages culture sont en émoi : David Lynch sort un album ! Sa filmographie en tant que réalisateur n’est plus à présenter, ses œuvres en tant que plasticien me sont passées par-dessus la tête – honte sur moi, je n’aime pas particulièrement la sculpture et l’art contemporain ! Et un doute m’étreignit lorsque j’entendis cette nouvelle : si sa musique est aussi bizarre que ses films, il va falloir que je me trouve un dealer vite fait pour arriver à un état mental conséquent me permettant d’en apprécier toute la dimension.
Non, je ne critique pas les gens issus du cinéma qui se mettent à la musique, ou l’inverse ! J’admets qu’il y en a pour qui c’est une totale réussite. Mais dans ce cas, il faut attendre le deuxième ou troisième album (si on leur en donne l’occasion) pour arriver à un résultat assez joli. Je prends pour exemple Charlotte Gainsbourg ou Scarlett Johansson qui arrivent à bosser avec des personnes assez conséquentes pour arriver à un résultat plus que correct. Et surtout, beaucoup de starlettes américaines essayent le combo cinéma-chanson (surtout les pouliches de l’écurie Disney). Et puis il y en a pour qui leur incursion dans la musique est une totale plantade, voire un gag : je veux bien sûr parler d’Alain Delon, ou de… Non, désolée, je n’ai qu’Alain Delon en tête, mais je suis sûre que vous m’en trouverez pleins d’autres…
Qu’en est-il de David Lynch ? Dans une interview aux Inrocks , il dit être très inspiré par le blues. Soit. M’enfin, les extraits que j’ai écoutés sur France Inter me semblaient plus indus, bref, à l’image que je me faisais d’un hypothétique album de David Lynch. Avec des distorsions, une voix sortie d’on-ne-sait-où (oui, puisqu’en plus, on découvre que David a une voix mal assurée…). Oui, effectivement, les guitares présentes donnent un petit côté Ry Cooder à l’ensemble. Bref, David Lynch est très fidèle à son univers un peu déglingos, son album est donc une réussite artistique, si on veut aller dans ce sens. Mais comme déjà ses films me foutent les jetons, je n’irai pas me battre pour télécharger son album sur iTunes.
Métal + Psyché = ouh pînaise, mais qu’est-ce qu’ils font ?
Autre incursion osée de ce mois de novembre, Lou Reed chez Metallica. Voui, vous avez bien lu, du son métal sur une voix que l’on a plus tendance à écouter avec du glam-rock, du prog ou de la pop. Autrement dit, autant filer un Tic-Tac à sucer à une baleine, je suis sûre que la proportion serait à peu près de cet ordre. Je ne sais pas moi, Metallica, cela vous évoque des hurlements de gorets, tandis que Lou Reed/The Velvet Underground, ça vous évoque des miaulements de chaton. Donc vous pourriez penser légitimement à une union complètement contre-nature…
Mais ce n’est pas le cas de Lou Reed. Après avoir fait un duo avec le groupe énervé pour les 25 ans du Hall of Fame en 2009, il s’est dit : Ben tiens, ce serait chouette de faire un album, les mecs, je vous envoie deux-trois trucs pour commencer à bosser ! Et au printemps 2011, ils commencent à travailler en studio. Le tout sans heurts et sans crise d’ego.
Au final, l’album Lulu est une adaptation du roman de Franck Wedelkind, à l’image de l’œuvre d’Alban Berg composé dans les années 1930. Cela donne donc des paroles très noires (vous pensez, l’histoire d’une bourgeoise qui se vautre dans la prostitution, on ne va pas en faire du Lorie, non plus…) et donc aux riffs assassins. D’après ce que j’en ai écouté, donc oui, la musique est complètement démente et apocalyptique – rhâââ lovely ! – tandis que James Hettfield soutient la voix de Lou légèrement tremblotante et, curieusement, pas si à la ramasse.
Il faut donc s’habituer au mélange un peu curieux, mais en soi, cela ne donne pas une hérésie musicale non plus. Je connais le cas de groupes un petit peu vénère qui vont appel à des personnes sur le point de passer l’arme à gauche pour tempérer leur réputation. C’est notamment le cas des Ramoneurs de Ménhir (groupe de Loran, Ex-Bérurier Noir, donc pas vraiment taillé pour faire du folk le soir au coin du feu) qui invite Louise Ebrel, 82 ans, pour toucher les grands-parents des punks à chien de la place de la Mairie à Rennes. En écoutant Lulu, cela me rappelle un peu la même chose : une volonté d’éviter le cumul des mandats pour faire quelque chose d’à peu près écoutable pour un plus grand nombre de personnes.
Voilà donc ma petite revue des cocktails au goût bizarroïde, mais assez bien dosés pour éviter de faire vomir. Preuve, encore une fois, qu’on peut encore faire de la création musicale en promouvant le mélange des genres sans pour autant faire de la musique un éternel recommencement.