Norwegian Air voit grand et s’engage pour 372 avions
Jusqu’à présent, il s’agissait tout au plus d’une compagnie low cost prometteuse, éloignée de la grande actualité, excentrée, mais déjà forte de 16 millions de passagers annuels. Et voici que, sans prévenir, Norwegian Air s’offre un beau coup d’éclat : l’annonce de commandes et options portant très exactement sur 372 avions, panachage d’Airbus et Boeing. De quoi se construire un bel avenir et de monter sur la troisième marche du podium des intervenants européens à petits tarifs.
Les commandes, négociées dans la plus grande discrétion, portent sur cent A320 NEO, cent 737 MAX et vingt-deux 737-800. S’y ajoutent des options sur cent MAX et cinquante NEO supplémentaires. Cela fait beaucoup d’avions et beaucoup de dollars, seize milliards et demi en ne prenant en compte que les commandes à proprement parler. Tout en sachant qu’il est toujours possible de renégocier de tels contrats, le fait est qu’il faut avoir une confiance illimitée dans l’avenir pour dresser de tels plans sur la comète. Visiblement, le patron de Norwegian, Bjoern Kjos, sait ce qu’il fait.
Il n’est plus vraiment tout jeune et se positionne aux antipodes de Michael O’Leary et de ses émules déclarés, dans un costume strict, bien cravaté, posé, et assis sur des convictions qui ne portent pas à discussion. A savoir que c’est maintenant qu’il convient d’acheter des avions, à contre-cycle, pour reprendre son expression. La fenêtre de tir était étroite, MAX et NEO, avions de la reprise et de l’expansion, étant très demandés. Les commentaires de la première heure sont unanimes, c’est aussi une nouvelle victoire de taille pour Airbus, alors que chacun aurait plutôt parié sur des achats norvégiens plus modestes et confiés exclusivement à Boeing.
Bientôt, à chaque fois qu’il sera question des low cost qui donnent le ton, il faudra ne pas oublier d’accoler le nom de Norwegian à ceux de Ryanair et EasyJet. De toute manière, Air Berlin, embourgeoisée et en difficulté, est en train de changer de catégorie et c’est plutôt Vueling qu’il faudra surveiller.
Norwegian est une success story dont il n’y a pas encore grand-chose à dire, tant son parcours, entamé en 1993, apparaît comme une belle ligne droite, un solide sans-faute. Elle s’est mise en place à l’ombre de Braathens SAFE, qui eut son heure de gloire, héritière d’un canal historique scandinave au cœur duquel on retrouve notamment Sterling, c’est-à-dire les charters Nord-Sud à petits prix des années soixante-dix (souvenez-vous, le pasteur-PDG qui avait osé commander des Airbus A300B !)
En un deuxième temps, après une association commerciale basée sur des partages de code, Norwegian a racheté FlyNordic à Finnair, a établi une première base hors Scandinavie (à Varsovie), a renoncé à de modestes Fokker 50 pour des 737-300 et a surfé habilement sur la vague montante du low cost. Son modèle économique est pur et dur, avec externalisation de toutes les activités jugées non stratégiques et des avions qui volent près de 11 heures par jour.
La société holding Norwegian Air Shuttle, maison-mère, ne compte qu’un seul gros actionnaire, HBK Invest (27% du capital), à côté de nombreux investisseurs qui surveillent le cours en bourse de la compagnie (cotée à Oslo) avec, semble-t-il, une foi inébranlable dans l’avenir du transport aérien à petits prix. Et cela dans un contexte qui relativise, c’est le moins que l’on puisse dire, l’intérêt de la toute petite actualité aérienne française. Tout comme SAS, canal historique scandinave qui eut son heure de gloire mais perd aujourd’hui beaucoup d’argent, au même moment, Air France se heurte à des problèmes d’un autre âge tandis que ses pilotes croient encore que c’est à leurs syndicats de dicter la loi. A Oslo, sans transition, le transport aérien est tout au contraire entré de plain-pied dans l’avenir. Du coup, nous voudrions tous être Norvégiens.
Pierre Sparaco-AeroMorning