Comment Sarkozy a fait baisser le chômage... partiel

Publié le 26 janvier 2012 par Juan
On se souvient de ses incantations en faveur du chômage partiel, au début de 2009. Des centaines de milliers de nouveaux chômeurs s'amassaient mois après mois dans les agences du nouveau Pôle Emploi tout récemment créé. L'agence de l'emploi était submergée, et Nicolas Sarkozy attendit une année supplémentaire pour la renforcer de 1.850 CDD et un peu de sous-traitance.
Un an plus tard, le chômage de masse continuait de s'imposer au pays. Interrogé à la télévision en janvier 2010 puis février 2011, Nicolas Sarkozy nous assurait qu'il allait baisser. Il avait entre-temps réduit de 15% les crédits de la politique de l'emploi en 2011, croyant que la reprise était là.
Chômage réel, chômage de masse
Mercredi 25 janvier, le ministre du travail devait encore commenter une nouvelle hausse du nombre de demandeurs d'emploi en décembre dernier. Le bilan de l'année 2011 est exécrable. Finalement, le seul chômage que Nicolas Sarkozy est parvenu à faire baisser, était le chômage partiel en entreprise...
Fidèle à son habitude, il avait prévenu dès la veille que les résultats seraient mauvais, très mauvais. 
Très mauvais, ils furent. La France frôle désormais les 3 millions de sans-emplois (2,874 millions à fin décembre 2011, soit +5,6% en un an), et 4,9 millions d'enregistrés à Pôle emploi. Si l'on ajoute les 320.000 radiés pour raison administrative ou technique, on dépasse allègrement les 5 millions de demandeurs d'emploi.
Quelque 4,27 millions cherchent activement un emploi (catégories A, B et C). Leur ancienneté moyenne d'inscription à l'agence de l'emploi est de 250 jours, soit 22 de plus qu'un an auparavant. Plus grave encore, le nombre d'offres d'emploi publiées chaque mois par Pôle Emploi progresse à peine: 262.000 en décembre 2010, 280.000 en décembre 2011.
Il reste pourtant quelques UMP du clan Sarkozy pour expliquer que les Français sont empêchés de travailler... Rappelons que 42% seulement sont indemnisés par l'assurance chômage, et 7% par la « solidarité nationale » (moins de 500 euros par mois).
Chômage partiel, chômage caché
La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) vient justement de publier, avec retard, un bilan du recours au chômage partiel de 2007 à 2010. Et ce bilan est terrifiant. Aux côtés du nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi, voici une seconde mesure de la sous-activité du pays, celle du chômage caché en entreprise.
1.  Le recours au chômage partiel s’est fortement accru entre octobre 2008 et septembre 2009. Ce n'est pas une surprise. Nicolas Sarkozy l'a même soutenu, afin d'éviter les licenciements purs et simples. Trois mesures décidées par le Monarque coïncident avec cette hausse: l'augmentation de la durée légale du chômage partiel (décembre 2008); le relèvement modeste de l'indemnisation du chômage partiel (janvier 2009), et la mise en place de l'activité partielle de longue durée (mai 2009). En l'espace d'un an, le volume d'heures de chômage partiel passe de 1,6 millions au 3ème trimestre 2008 à ... 31 millions au 3ème trimestre 2009 !
2. Logiquement, le nombre de salariés au chômage partiel a suivi la même évolution: 12.300 salariés en moyenne mensuelle entre janvier 2007 et septembre 2008, puis 103.000 au 4ème trimestre 2008, 220.000 au 1er trimestre 2009, pour atteindre un pic à 270.000 personnes au 2e trimestre 2009. Il est ensuite redescendu à 78.000 fin 2010. L'industrie, dont surtout l'automobile, a consommé 85% des heures de chômage partiel en France métropolitaine entre 2007 et 2010.
3. Un salarié en chômage partiel a perdu en moyenne 30 heures de travail sur la période 2007-2010. La DARES notait que « le chômage partiel concerne davantage les hommes, les moins diplômés, les salariés les plus anciens dans l’entreprise. »
4. Le chômage partiel a couté 15 millions d'euros, puis 320 millions d’euros à l’État en 2009, et encore 280 millions d'euros en 2010. S'ajoutent le financement apporté par l'UNEDIC de 43 millions d'euros en 2009 et encore 44 millions d'euros en 2010.
5. A compter de fin 2009, le recours au chômage partiel s'effondre, pour retrouver un niveau très proche d'avant 2008: le volume horaire tombe à 3,6 millions d'heures déclarées au 4ème trimestre 2010. Et le nombre de salariés concernés à 36.000 par mois.
Sarkozy navigue à vue
Au regard de ses piteux résultats, la politique du gouvernement Sarkozy paraît incohérente: pendant la période étudiée, les dispositifs de soutien au chômage partiel ont certes été maintenus. Ils n'ont été supprimés (partiellement) qu'à compter du 1er janvier 2011, et l'on ne connaît pas encore les résultats de cette stupide initiative. Il faudra attendre une année supplémentaire, après l'élection présidentielle.
Lors du micro-sommet social du 18 janvier dernier, Nicolas Sarkozy a promis de réinjecter 100 millions d'euros supplémentaires pour financer davantage de chômage partiel. C'est un aveu d'échec bien tardif.
Fin 2010, le gouvernement Sarkozy avait déjà coupé dans les crédits, et promis la reprise de l'emploi, une reprise qui n'a jamais eu lieu, d'après la DARES. Pour 2012, il avait remis ça, avec une nouvelle réduction de 10% des crédits. Pour masquer cette bêtise, la DARES a justement publié, mardi 24 janvier 2012, un glorieux bilan des dépenses publiques ciblées en faveur de l'emploi... en 2009.
Le Monarque s'est aussi refusé à toucher à l'un de ses derniers marqueurs idéologiques qui subsistent de ce quinquennat raté, la défiscalisation des heures supplémentaires. Depuis la fin 2007, les entreprises recourent ou déclarent davantage d'heures supplémentaires qu'avant, grâce à la loi TEPA. Au point de décourager l'embauche. L'emploi intérimaire puis en CDD ont ainsi commencé à se dégrader dès le printemps suivant. Le volume d'heures supplémentaires défiscalisées a augmenté quasiment sans interruption depuis la mise en place du dispositif TEPA le 1er octobre 2007.
Pire, comme le rappelle Actuchômage, les entreprises peuvent cumuler les avantages fiscaux des deux dispositifs, chômage partiel (pris en charge par l'Etat) et défiscalisations des heures supplémentaires. Que la vie est belle ! Le site d'informations sociales cite trois exemples d'entreprises automobiles qui ne s'en cachent pas. « Nous sommes dans une industrie drivée ["régie"] par les stocks, il peut arriver que l'activité doive s'arrêter pour certains salariés lors de problèmes d'approvisionnement qui ne se posent pas de la même façon pour tous les points de la chaîne » explique même l'un des responsables.
Dimanche prochain, le candidat Sarkozy a prévu de monopoliser l'antenne de quatre chaînes de télévision pour présenter de nouvelles mesures. On les connaît déjà. Il n'a pas osé les annoncer le 18 janvier dernier. Il y aura les fameux accords « compétitivité-emploi ». Une formule qui s'inspire du modèle allemand: les salariés acceptent des durées de travail variable (quitte à renoncer à des heures sup), contre une meilleure garantie de l'emploi.
Après le chômage caché, voici le travail réduit...