Avec un répertoire aussi large que le désert du Kjölur et un timbre aussi coloré qu'une aurore boréale, Sigridur pouvait assurément interpréter Jacques Brel, Vanessa Paradis, Serge Gainsbourg, Rita Mitsouko ou Barbara avec une égale excellence. C'est d'ailleurs ce qu'elle fît il y a peu, lors du concert Joie de vivre qui se tînt à Harpa en novembre dernier.
Début janvier, elle me convie dans son petit appartement du centre de Reykjavik, en compagnie de Guðmundur Óskar Guðmundsson, le bassiste de la joyeuse troupe Hjaltalin, qu'il serait hasardeux de chercher à classer dans un genre plutôt qu'un autre. Disons qu'il s'agit d'un cocktail aussi savoureux qu'épicé à base de chants que ne renierait sans doute pas Barbara Streisand, d'harmonies qui rappellent les crooners Dean Martin ou Franck Sinatra, et d'arrangements novateurs qui tiennent entre autres aux parti-pris instrumentaux de la formation : basson, banjo, accordéon, clarinette, violon... Toujours est-il que la balade musicale vaut le détour ! Je suis arrivé avec l'idée stupide que l'islandais serait toujours une langue bien trop aride et rocailleuse pour être chantée. J'aurais fort bien pu repartir avec le même sentiment, n'étaient les sensations incontrôlables de mon système piloérectif qui ne partageait pas le moins du monde cette conviction douteuse après avoir entendu les galets noirs de Djúpalón dans cette voix chaude et douce comme le duvet des Eiders. Avec cet extrait de "Année 2012" (une partie du texte figure ci-dessous), ode prémonitoire, nostalgique et engagée interprétée il y a une quarantaine d'années par le défunt Vilhjálmur Vilhjálmsson, c'est en musique que Sigridur vous souhaite une bonne année. Cet après-midi là, j'ai quitté le duo chaleureux en me disant que cette journée était décidément une bien belle journée. Le bonheur, il suffit parfois de le vivre. C'est bien mieux que d'en rêver.J’ai rêvé qu’on était en 2012
On a asphalté la lune et bétonné les murs et la terre
Oui, l’univers était bizarre, tout avait changé
Car les machines ont fait le travail, les hommes ne faisaient rien
Le directeur de la radio (nationale) n’avait rien à faire
Car son supérieur, c’était un transistor de poche
Et nos élus, avaient la tête qui ne tournait pas rond
Car le premier ministre, était un vieil IBM
Rends-moi les vieux jours
Quand je pouvais être seul avec toi
La technologie me dépasse
Rends-moi les vieux jours
...
A venir : les voeux de Sigurdur Ingolfsson.