Il y a quelques mois, c’était un couple de vieux qui me sortaient d’un Il était une fois en Anatolie déjà entamé. En ce vendredi après-midi de janvier, ce fut une jeune femme qui a étalé aux yeux d’une partie de la salle son irrespect et son égocentrisme. Et de tous les spectateurs de la salle, c’est moi qu’elle a choisi de gêner tout particulièrement, moi le maniaque incorrigible qui se laisse facilement déconcentré par les désagréments provoqués par mes co-spectateurs.
Nous étions dans la salle 10 de l’UGC Ciné Cité des Halles pour L’amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder. C’était un vendredi en fin d’après-midi, deux jours après la sortie du film, et dans cette grande salle, la partie centrale n’était pas loin d’être pleine, mais il y avait encore largement de quoi s’asseoir sur les côtés sans avoir à descendre au premier rang. Moi, j’étais assis au septième ou huitième rang (il faut bien cela pour la salle 10), en plein milieu de la rangée de fauteuils. A ma gauche, une place libre où j’avais entreposé manteau, sac, courses des soldes, écharpe, bouteille d’eau, la totale quoi, mais une fois que le film commence, les chances devraient être nulles qu’un spectateur vienne réquisitionner la place quand il en reste encore tant ailleurs.
Mais non, madame est entrée plusieurs minutes après le lancement du film, a scruté le centre de la salle, a repéré la place libre à côté de moi, a fait se lever toute la gauche de mon rang et s’est plantée devant moi en me disant « Pardon ». Pas un pardon penaud et désolé, un « pardon » signifiant « dégage tes affaires que je m’y mette ». Non mais je rêve ou quoi ? Me voilà tout à coup tiré hors du film et prié de me grouiller de remballer tout ce qui traîne pour que la princesse arrivant comme une fleur s’installe là où elle veut, n’en déplaise à tous ceux de mon rang qui comme moi étaient déjà dans le film (sans compter ceux de derrière qui ont vu notre rang se lever et leur boucher l’écran pour la laisser passer). J’ai rarement proféré autant de grossièretés dans une salle de cinéma. A mesure que je me détachais de l’écran pour faire une place à madame, je grognais des mots pas très doux à l’intéressée qui avait l’air de s’en foutre royalement. Résultat, elle m’a foutu de mauvais poil (ça m'arrive) et j’étais incapable de rentrer dans le film. Elle était toute contente d’avoir décroché une des meilleures places de la salle en arrivant en retard, qu’à cela ne tienne si c’était à nos dépens, nous autres spectateurs un brin pointilleux qui préférons arriver à l’heure pour être bien placés.
Elle aurait pu, elle aurait dû se faire toute petite en arrivant en se calant sur le premier fauteuil vacant. Que voulez-vous, on sait se conduire avec respect dans une salle de cinéma ou on ne le sait pas. Quand l’homme qui s’est installé juste devant moi s’est assis, avant le début de la séance, il m’a dit « Dites-moi si je vous gêne ». Si vous connaissez la salle 10 des Halles, vous saurez qu’il n’y a aucun souci à se faire d’un éventuel spectateur assis devant vous. « Vous pourriez mesurer 20 centimètres de plus, vous ne me gêneriez pas » lui répondis-je, amusé. Ma voisine retardataire n’était pas de la même trempe de spectateur.