Vénus et Mercure, c.1626-27.
Huile sur toile, 78 x 85 cm, Londres, Dulwich Picture Gallery.
Découvert à l’occasion d’un splendide disque de musique française du XVIIe siècle, Le Concert des Violes (Ricercar, 2009), l’Ensemble Mare Nostrum nous revient aujourd’hui, chez le même éditeur, avec un nouveau projet tout aussi passionnant que son prédécesseur. Avec la complicité, pour les pièces vocales, de Vox Luminis, bien connu maintenant des fidèles lecteurs de Passée des arts, les musiciens réunis sous la direction d’Andrea De Carlo nous conduisent dans la Rome des années 1630, à la rencontre de l’univers d’un grand mécène, le cardinal Barberini. Lorsque l’on pense à la musique italienne du XVIIe siècle, on est plus spontanément enclin à fixer son attention sur l’appétence grandissante pour le violon et le répertoire spécifique écrit pour lui que sur le goût pour les violes, plus volontiers associées à l’Angleterre, à la France ou à l’Allemagne. Il faut cependant garder à l’esprit que les instruments de cette famille, iconographiquement documentés dans la région de Valence, en Espagne, dès le dernier quart du XVe siècle, trouvèrent en Italie un terrain de développement privilégié à la faveur de l’élection, en 1492, de l’Espagnol Rodrigo Borgia (1431-1503) qui devint pape sous le nom d’Alexandre VI, emportant avec lui les musiciens de sa chapelle. On sait, grâce à la dédicace des Madrigali a cinque voci de Domenico Mazzocchi (1592-1665), publiés à Rome en 1638 et dont deux sont proposés dans ce disque, que le cardinal Francesco Barberini (1597-1679), issu d’une famille dont son oncle Maffeo allait illustrer la puissance en occupant, de 1623 à 1644, le trône de Saint Pierre sous le nom d’Urbain VIII, entretenait un ensemble de violes et que le directeur de ce dernier n’était autre que le frère de Domenico, Virgilio.
Des compositeurs présentés dans ce disque, complément idéal de La Tavola cromatica paru chez Raumklang en 2004, à connaître absolument lui aussi, le seul à avoir consacré un recueil spécifiquement destiné aux violes est également le plus mystérieux. Si son nom laisse deviner que ses racines se trouvent au Nord, on ne sait rien de Cherubino Waesich avant 1632, date à laquelle il publie, à Rome, ses Canzoni a cinque da sonarsi con le viole da gamba, opera seconda, ce qui suppose un opus primum perdu. Les quelques traces documentaires dont nous disposons à son sujet nous apprennent qu’il était claviériste, puisqu’on le retrouve successivement aux tribunes de Santa Maria in Trastevere puis de Santa Maria dell’Anima (1646), et qu’il tenait le clavecin lors d’un opéra représenté chez le cardinal Barberini en 1639.
Ensemble Mare Nostrum
Vox Luminis (pièces vocales)
Andrea De Carlo, basse de viole & direction
1 CD [durée totale : 59’33”] Ricercar RIC 320. Incontournable Passée des arts. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Giovanni Girolamo Kapsberger, Libro primo de Balli, Gagliarde et Correnti (Rome, 1615) :
Ballo quarto : Ballo
Cherubino Waesich, Canzoni a cinque (Rome, 1632) :
2. Canzona duodecima a 5
3. Ardo per voi, mia vita
4. Girolamo Frescobaldi (1583-1643), Fiori Musicali (Rome, 1635) :
Messa della Domenica : Toccata cromatica per l’Elevatione
Des extraits d’une minute de chaque plage du disque peuvent être écoutés ici :
"Il Concerto delle viole Barberini" (Oeuvres de Frescobaldi Kapsberger Mazzocchi Palestrina Waesich) | Compositeurs Divers par Ensemble Mare Nostrum
Illustrations complémentaires :
Nicolas Poussin (1594-1665), Concert d’amours, c.1626-27. Huile sur toile, 57 x 51 cm. Paris, Musée du Louvre (Photographie © RMN/Jean-Gilles Berizzi)
Nicolas Poussin (1594-1665), Mercure et Vénus, c.1626-27. Plume et encre brune, lavis brun, sur esquisse à la pierre noire, traces de sanguine, 29,8 x 40,7 cm, Paris, Musée du Louvre, Département des arts graphiques et des dessins (Photographie © RMN/Thierry Le Mage)
N.B. : ces deux œuvres sont directement liées au Vénus et Mercure choisi en illustration principale de cette chronique. Ce tableau, peint par Poussin dans les premières années suivant son arrivée à Rome en 1624, alors qu’il commençait à recevoir des commandes de collectionneurs prestigieux, dont le cardinal Barberini, fut découpé vers 1764. Comme le prouve le dessin sans doute remis par le peintre à Fabrizio Chiari qui en assura la gravure en 1636, le Concert d’amours du Louvre en constituait, avant mutilation, le coin inférieur gauche.