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50- physique et mathematique

Publié le 25 janvier 2012 par Jeanjacques


Nous avons prétendu ici que la physique d’aujourd’hui était victime de son succès qui tient pour partie au geste inaugural de Galilée selon lequel « la nature parle essentiellement le langage mathématique ». Ces extraits du livre de Jules Vuillemin : « La logique du monde sensible –Flammation )»  circonscrivent cette problématique bien mieux que nous, en analysant l’histoire de sa genèse, depuis Aristote Jusqu’à Galilée.
LES EXTRAITS


On pourrait dire avec Aristote  précisément que l’engagement ontologique, dont on reconnait la nécessité en biologie et en physique, n’a pas lieu d’être en mathématique, que les objets mathématiques sont des abstraits et non des substances et que si le mathématicien a le droit de parler et de faire comme si le cercle ou le carré étaient des universels existants, parce qu’il ne parle pas sur le cercle ou le carré en tant que tels, c’est-à-dire en tant qu’objets ou que formes sensibles, mais seulement sur les attributs particuliers de la grandeur spatiale ( et en arithmétique, des nombres), ce langage ne  lui permet nullement d’inférer que le cercle ou les sphères existent en dehors des roues ou des boules sensibles que nous fabriquons ou que la nature fabrique devant nous. De ce point de vue, tous les énoncés mathématiques se situent en dehors des énoncés d’existence.

Pour rendre possible une science des abstraits (telle que les mathématiques), il faut que la relation de prédication essentielle n’ait pas pour unique champ les substances concrètes. Aristote distingue donc une prédication essentielle primordiale, qui a lieu entre substances, et une prédication essentielle dérivée, qui a lieu entre abstraits et permet d’en donner une définition.
Les deux types de prédications, celui de l’universel et celui de l’abstrait, sont liés à l’existence de la matière, ingrédient indispensables avec la forme dans tous les êtres sensibles. C’est parce que la substance sensible comporte de la matière…qu’elle se révèle à la sensation par les accidents qui lui adviennent.

La distinction entre ces deux types de prédication conduit à pouvoir définir un cercle sans pour autant reconnaitre que ce cercle existe. Ainsi, parce qu’ils portent sur des substances, la physique et la théologie (pour Aristote) sont ontologiques. Au contraire parce qu’elle porte sur des abstraits, la mathématique ne l’est pas. En conséquence, il ne peut y avoir de physique mathématique. Certes, si on étudie les propriétés ou les relations abstraites des corps, purement extérieurs à ceux-ci, une géométrie et une arithmétique sont possibles. Mais l’attribut le plus caractéristique des substances sensibles, le mouvement, reste en dehors de la méthode mathématique. En effet, il est défini ontologiquement comme acte d’un moteur et d’un mobile et se trouve donc rapporté à des substances.

C’est en brisant cette opposition radicale entre substance et abstrait que la science moderne pourra se constituer…C’est Galilée qui conçoit abstraitement l’objet de la physique en affirmant que tous les corps sont pesants et que le mouvement est possible dans le vide – le vide étant une sorte de condition de simplicité idéale pour le déroulement de phénomènes entièrement géométrisés. Du même coup il abolit le lien millénaire entre le mouvement local et la nature des corps mus, le mouvement devient un phénomène, qu’il sera possible d’étudier pour lui-même en le soumettant à l’analyse. Ainsi pourra-t-on introduire dans la science les notions de vitesse instantanée et d’accélération, desquelles toute idée de puissance – et donc toute liaison avec les substances porteuses de mouvement – a été éliminée.


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