Une semaine vient de s’écouler depuis cette nuit de grand vent. Avec la pluie tombée en soirée, ça m’a rappelé la fameuse crise de verglas de janvier 1998. Roulant entre les détritus de recyclage emportés par les rafales, les déchets et les déchus sapins d’un Noël révolu, je me suis remémoré des souvenirs de route dans un Montréal plongé dans le noir, plongé sous la glace.
L’avant veille, je m’étais pris dans un banc de neige et en tentant d’en dégager le taxi, j’avais complètement détruit les deux pneus avant du véhicule. J’avais alors blâmé le propriétaire en lui disant que j’avais perdu ma nuit, qu’il m’avait loué un taxi mal chaussé! Le lendemain, j’étais parti avec des pneus d’hiver flambants neufs. J’étais loin de me douter, à quel point ils me seraient utiles dans les jours qui suivraient.
Je me souviens peu de la pluie. Il en était pourtant tombé des torrents. Les passagers pestant contre le temps ont dû se succéder une bonne partie de la nuit. De ce que je me souviens par contre, c’est de la transformation des arbres en immenses glaçons. Quand le jour s’est levé, la ville brillait comme un diamant. C’était magique.
Ensuite tout se bouscule. Les branches d’arbres qui tombent, les transformateurs qui explosent irisant le ciel de lueurs surréalistes, les pannes, le chaos. Et moi qui me tape des journées de 18 heures dans des rues de moins en moins praticables.
Je me souviens d’un centre-ville plongé dans le noir total, je me souviens du gros Q de l’Hydro resté honteusement allumé trop longtemps. Je me souviens des hallucinantes ornières dans les petites rues et du nombre incalculable de fois que je suis sorti du taxi pour aller en pousser un et puis un autre. Je me souviens de l’intervention de l’armée et des trop nombreux arbres tombés au combat. Je me souviens des plaques de glace se détachant des immeubles pour venir se fracasser dans les rues. Je me souviens des files d’attente dans les stations-services qui n’étaient pas en panne ou en rupture de stock.
Il y a plein d’images qui me reviennent en tête, y’a aussi plein de trucs que j’ai oublié, mais je me souviens surtout de l’entraide entre les gens dans l’adversité. C’est rassurant de constater que dans cette ville, l’humanité ressort quand vient le temps.
En espérant que le temps ne s’emballe quand même pas trop...