Ce que j'aime en hiver, c'est l'élan nu des branches
Contre un ciel sombre ou bien à peine lumineux
Où le jour assourdit encore ses nuances
En les mêlant de gris pâles, fuligineux,
Pour faire avec ce noir un saisissant contraste.
On imagine une écriture au sens secret
Dont l'encre indélébile imprime sur le chaste
Horizon le poème obscur de la forêt.
Mais ce n'est qu'une vieille image. Une autre encore,
De croire que la branche inerte, sans couleur,
Se dresse comme un bras de malheureux implore
Et se tord sous le vent pour dire sa douleur.
En vérité l'hiver est la saison parfaite
Où chaque branche emplit la forme exactement
D'une branche; rien d'autre. Et, fixe, elle projette
Sa présence accomplie entre le fond dormant
De l'espace et le flot sans rumeur des nuages.
Non: pas même un élan, ni la tranquillité;
Aucun enseignement caché, pas de présages -
Mais là, droite dans l'air qui semble inhabité,
Pur comme on l'est parfois d'espérance ou d'images.
Jacques Réda