4,2/5
On peut pas décemment rater un Fincher au cinéma : quand bien même le script serait peu
engageant ou l’histoire trop classique, il apporte à ses œuvres une ambiance particulière liée à un vrai sens de la mise en scène.
Millénium pose tout de même le problème de la pertinence : si encore le premier film avait été un désastre
cinématographique, ou une trahison vis-à-vis du roman original ! Mais ce n’était pas le cas. Adaptation avouée (un peu trop ouvertement pour être crédible) du livre de
Stieg Larsson plutôt que remake du métrage de Niels Arden Oplev (2009), the Girl with the Dragon Tattoo ne peut nier malgré tout
la volonté bien américaine de se plier aux exigences de consommateurs peu éclairés et réfractaires aux sous-titres.
Alors oui, il y a un véritable effort de réalisme (tournage in situ, utilisation systématique de la langue suédoise pour la plupart des médias - mais pas toujours, ce qui occasionne quelques incongruités : toutes les notes prises par les enquêteurs sont en anglais mais les gros titres des journaux sont en suédois) pour faire bonne mesure, mais le film peine sur certains points à égaler le précédent : l'actrice (Rooney Mara, paradoxalement lumineuse) est formidable et paie de sa personne, mais n'égale pas le côté complètement freak de Noomi Rapace ; l'ambiance a du mal à virer au glauque sordide, la faute sans doute à cette stylisation personnelle de la violence chez Fincher, doublée d'un refus de réserver le film à un public averti ; l'enquête paraît comprimée dans le temps et vite expédiée - on peut subodorer l'existence d'un montage plus long dont on profiterait éventuellement dans le prochain blu-ray.
Pourtant, ne nous y trompons pas : le film est une réussite. Outre une maîtrise remarquable du cadre et de la caméra (Fincher semblant constamment se contrôler pour éviter ses débordements habituels, ses travellings surréalistes et ses hyper-gros plans), un casting adéquat (Daniel Craig, très à l’aise et un Skarsgard qui arrive à être inquiétant par son détachement) et une bande son incroyable (merci Trent Reznor), le choix d'insister sur Blomkvist et Lisbeth dans un montage parallèle qui se fait au détriment de l'enquête proprement dite dénote l'ambition perceptible de raconter avant toute chose le parcours de ces deux individus hors normes et surtout leur rencontre, épicentre d'une histoire tordue mais moins complexe qu'elle n'y paraît. La fin d'ailleurs, qui va plus loin (dans tous les sens du terme) que celle de la première version ciné, correspond sans doute à ce choix de narration et annonce des lendemains intéressants.
A voir et à ne surtout pas comparer.
The Girl with the Dragon Tattoo
Un thriller de David Fincher (2011) distribué par Sony Pictures avec Daniel Craig, Rooney Mara,
Christopher Plummer, Robin Wright, Goran Visnjic & Stellan Skarsgard.
Sortie nationale le 18 janvier 2012.
2.35 :1 ; 16/9 ; VF ; 158 minutes.
Synopsis : Reporter phare du magazine d’investigation indépendant
Millénium, Mikael Blomkvist est poursuivi pour diffamation après avoir commis quelques imprudences lors de sa dernière enquête sur l’industriel véreux Wennerström. Mis sur la touche, il est
contacté par un représentant de Henrik Vanger, magnat vieillissant d’un puissant empire financier, qui lui demande, sous couvert d’une biographie, de retrouver le meurtrier de sa nièce, Harriet,
disparue des années auparavant. Pour l’appâter, il lui propose en outre quelques pistes pour en finir avec Wennerström, qu’il connaît bien. Enfin, il se verra adjoindre les services de Lisbeth
Salander, hacker de génie mais socialement inadaptée, qui cherche à se débarrasser d’un nouveau tuteur légal pervers…