Imaginez une version trash de l’univers propret des super-héros américains. En ce début de 21e siècle, l’atmosphère n’est plus guère à l’optimisme et la période faste des redresseurs de torts en collants semble bel et bien révolue.
Superman vit reclus comme un ermite depuis qu’il est incapable de voler. Batman, le chevalier noir narcissique, s’adonne à des pratiques d’une perversion extrême avec de trop jeunes personnes depuis qu’un meurtre crapuleux l’a providentiellement délivré de l’amour inconditionnel, mais ô combien encombrant, que lui vouait son fidèle assistant Robin. Mystique, la mutante azurine reconnue pour sa capacité à prendre l’apparence de n’importe quel être humain, est désormais à la barre d’une émission de variétés où elle s’attire d’enviables cotes d’écoute grâce à ses personnifications de Madonna, de Vladimir Poutine ou d’Arnold Schwarzenegger tandis qu’au poste concurrent, Namor, le Prince des mers aux pectoraux proéminents, anime un talk-show depuis son aquarium.
Ah, je vous le dis, rien ne va plus au royaume révéré des super-héros. Jusqu’à Red Richards (vous savez, l’homme élastique des Fantastic 4) un scientifique pourtant sérieux et renommé qui s’est entiché d’une aspirante astronaute de 40 ans sa cadette. Le pauvre Red, jadis extensible à volonté, nourrira sa passion au prix d’étirements douloureux imposés à certaines parties de son corps qui n’a manifestement plus la souplesse d’antan. Je vous épargne les détails mais j’avoue que, dans ma grande naïveté, je ne m’étais jamais arrêté à réfléchir aux avantages que pouvait retirer l’homme élastique de ce super-pouvoir sur un plan strictement sexuel. J’imagine que je devais être trop occupé à m’intéresser aux poses suggestives de Cat Woman. Mais bon, passons.
Tout ça pour dire qu’une menace sourde plane sur l’univers déliquescent de Gotham City. Il semble que la vie d’anciens justiciers masqués soit menacée par un tueur qui prends soin de transmettre à l’avance à chaque nouvelle victime une feuille de papier comportant toujours la même formule d’adieu: “Adieu cher Mister Fantastic” ou “Adieu cher Batman”, etc. Qui peut bien en vouloir ainsi à des citoyens aussi honorables? Le policier Danny De Villa mène l’enquête. Son propre passé de même que celui de sa famille sont également assez ambigus merci. Il sera toutefois le ciment qui relie chacun des chapitres dédiés à un super-héros différent.
Sommes-nous ici en présence d’une allégorie de l’Amérique déclinante dont les idoles déchues ont été jetées à bas ou simplement d’un brillant exercice de style? on ne sait trop. Chacun se fera sans doute son idée. Quoi qu’il en soit, ce livre surprend par le sérieux de son propos qui contraste fortement avec l’apparente frivolité des thèmes abordés. On y découvre un véritable auteur capable de décrire des scènes d’une grande puissance. Plus étonnant encore, Marco Mancassola réussit le tour de force d’humaniser chez ses personnages les caractéristiques qui, précisément, devraient en principe les éloigner le plus de nous. Ça tient de l’exploit. Encore un auteur italien à découvrir.
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MANCASSOLA, Marco. La vie sexuelle des super-héros. Paris: Gallimard, 2011, 545 p. ISBN 9782070128792 (traduit de l’italien par Vincent Raynaud)
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