J’écoutais hier soir une copine qui me racontait, avec une admiration étonnée, avoir côtoyé pendant ses études d’illustration des jeunes qui se baladaient toujours avec leurs calepin, prêts à fixer, noir sur blanc, leurs impressions à travers des dessins.
Cette image a rejoint mes souvenirs: quand j’étais enfant, pendant les vacances d’été, à la fin d’une balade à la montagne, ma mère sortait toujours son petit cahier et commençait à dessiner (ces dernières années, en bonne accro de la technologie, elle a remplacé le cahier par un smartphone).
Le dessin est, dans la tête de tous, l’activité la plus classique pendant laquelle les Artistes transfèrent l’impression d’un paysage, un visage ou un corps et le transcrivent directement sur le papier. C’est la quintessence de l’art, le moment où se concrétise la spontanéité et le talent d’un artiste.
Dans l’histoire de l’art, le dessin est toujours assimilé au moment préparatoire où l’artiste fixe une impression fugace, étudie des œuvres plus grandes ou fait des essais. Sa fonction classique est en effet celle de croquis. Les musées d’art ancien sont remplis de croquis des peintres, et souvent ils sont très utiles pour les spécialistes parce qu’ils montrent la façon de travailler d’un artiste et les étapes de travail avant d’arriver à un chef d’œuvre. Je vous avoue qu’il m’est arrivé d’être dans des salles remplies de dessins et de ne pouvoir m’empêcher de bâiller: pour le public non spécialiste le dessin ancien est très difficile à approcher!
Depuis quelques années (en France surtout), on assiste à une véritable redécouverte de ce médium: les expositions de dessin contemporain augmentent, les artistes actuels qui se consacrent à cette technique sont de plus en plus nombreux (comme vous le remarquez dans les photos qui accompagnent ce post), des foires ou d’autres événements consacrés au dessin apparaissent (par exemple Drawing Now, à Paris)… nous sommes face à un effet de mode mais qui est très intéressant à de nombreux égards.
Pourquoi donc cet engouement pour le dessin?
D’abord, les prix. Un dessin, même d’un artiste très coté, coûte bien moins cher qu’une peinture ou une photo. Donc, dans une période de crise comme celle-ci, vous pouvez imaginer que miser sur des oeuvres qui ne coûtent pas cher, qui se transportent facilement et s’installent encore plus facilement, est fondamental pour continuer à exposer des artistes sans se ruiner. (Tous les galeristes ne sont pas des milliardaires!)
Ensuite, le dessin est un médium qui, par sa nature éphemère et sa tradition “intimiste” (les dimensions réduites, son caractère d’essai…) est plus libre des schémas de la culture traditionnelle. Proposer un tableau complètement peint en bleu ou déchiré a été un geste revolutionnaire et l’est encore aujourd’hui: dans la l’opinion commune, une peinture devrait représenter quelque chose ou être, en tout cas, intègre. Si dans un dessin il manque une partie d’un corps humain, personne ne s’étonne parce que, inconsciemment, on pense toujours se trouver face à croquis, à un essai, pas à une oeuvre complète.
En plus, les artistes qui font du dessin arrivent plus facilement à franchir la frontière entre ce médium et les autres qui, dans le passé, n’ont jamais eu la reconnaissance officielle d’être un médium “artistique”: le graphisme, la BD, les dessins animés… donc une grande partie des dessins contemporains lorgnent du côté de ces domaines moins traditionnels.
On peut également retrouver ce caractère hybride dans les dessins muraux: vous verrez tout de suite que le chemin du dessin au street art est très court.
En général, les artistes contemporains se sentent plus libres face au papier blanc que face à une toile, ils aiment expérimenter des nouveaux matériaux, des techniques différentes et des procédés inédits. On pourrait dire que le dessin est la forme d’art la plus contemporaine dans l’art contemporain.