Les nouveaux nés n’aiment pas l’hiver. C’est assez intuitif, les nouveaux nés sont sensibles aux chutes de températures et à l’hypothermie. Mais pourquoi cette sensibilité ?
Tout d’abord il faut savoir que la perte thermique est principalement liée à la surface de peau exposée pour vous en convaincre il vous suffit d’observer les oreilles du renard du désert et de les comparer avec celles du renard polaire (notre renard roux est un bon intermédiaire), une illustration classique de la règle de Allen.
Les bébés présentent une surface de peau très importante proportionnellement à leur volume corporel, beaucoup plus importante que celle des adultes, du fait d'une loi mathématique. [Lorsque le rayon d'une sphère augmente, la surface de celle-ci augmente proportionnellement au carré du rayon, tandis que le volume augmente proportionnellement au cube du rayon. Une grande sphère à donc un rapport surface volume plus faible qu'une petite sphère...] Les membres avec leur petit diamètre sont une zone de refroidissement importante (un peu comme le bout des doigts pour nous).
Une autre façon de se protéger du froid est de s’isoler avec une épaisse couche isolante constituée par la peau recouverte de fourrure par exemple ou par une couche de graisse très épaisse située sous la peau. Jugez un peu avec cette coupe transversale d’un phoque (et oui … on prend une bonne scie et on coupe un phoque congelé en deux ! De la grande science !). Chez le bébé rien de tout cela, la peau est très mince et l’isolation par la graisse négligeable, quant aux cheveux ils sont trop fins pour être utiles.
Coupe transversale chez le Phoque de Weddel montrant l'épaisse couche de graisse hypodermique représentant 58% de la surface de la section
L’arme ultime contre le froid :
La graisse brune des nouveaux nés…
C’est une caractéristique que nos petits partagent avec les mammifères hibernant : la présence de graisse brune. C’est une graisse particulière qui représente 5% du poids du nouveau né et se situe principalement dans les régions des épaules entre les omoplates vers le cœur et autour des reins. Sa présence en faible quantité chez l’adulte fut longtemps discutée, mais il semble qu’on la retrouve effectivement (Cypress et al. 2009). Induisant un métabolisme élevé, elle serait associée à l’absence d’obésité. Ce type de graisse bien particulier doit son nom à la présence de nombreuses mitochondries, les « centrales énergétiques » présentes l’intérieur de toutes nos cellules.
Dans une mitochondrie un transport d’électrons est utilisé pour accumuler des ions H+ entre les deux membranes qui la délimite (voir schéma). Ce « stockage » d’ions H+ constitue une forme d’énergie un peu comme l’eau contenue dans un lac de retenue. Le plus souvent cette énergie permet la fabrication d’ATP, via l’ATP synthase une sorte de « dynamo » biologique. Le transport d’ions H+ est donc couplé avec la production d’ATP.
Dans le cas de la graisse brune, la membrane de la mitochondrie comprend une protéine particulière dite découplante (UCP : UnCoupling Protein) encore appelée thermogénine. Ces deux noms conviennent à la perfection. D’une part parce que la protéine UCP dissocie la rétention d’ions H+ de la production d’ATP il y a donc découplage. D’autre part parce qu’elle permet l’utilisation de cette forme d’énergie pour produire de la chaleur. Le courant d’ions H+ ne passe plus par l’ATP synthase mais par la thermogénine ce qui suffit à produire une chaleur considérable. L’énergie de la roue de vélo qui tourne n’alimente plus la dynamo mais se dissipe sous forme de chaleur au niveau des freins… On parle alors de « thermogénèse sans frisson ». Comme la graisse brune est située à proximité des plus gros vaisseaux sanguins la chaleur se repartie ensuite rapidement dans l’organisme.
La graisse brune des nouveaux nés, et le mécanisme de la thermogénèse sans frissons permis par la protéine découplante UCP-1 (Thermogénine)
Bien sur l’importance des comportements de soins parentaux, habillement, maintien à proximité d’une source de chaleur, etc. sont des moyens de lutte contre l’hypothermie probablement nettement plus importants que la graisse brune. Il est même envisageable que le cout énergétique de la graisse brune soit si important qu’il ait pu représenter un désavantage sélectif entrainant sa disparition rapide à l’âge adulte au profit de la graisse blanche qui nous cause tant de soucis sanitaires à l’heure actuelle…
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PS : Nous sommes encore en Janvier, donc bonne année à tous mes lecteurs fidèles et infidèles. Toutes mes excuses pour cette longue absence (depuis décembre !). Malheureusement l’année risque d’être chargée pour moi au moins jusqu’à Pacques ! L’objectif reste de maintenir un article par mois malgré tout…
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