J’ai entre les mains un livre qui est en train de me faire vaciller. Dès les premières lignes, dès le départ, sur le titre. Pourtant mon armure était en place, avoir supprimé son numéro de portable (même si je connais par cœur son numéro), avoir la chance de ne jamais croiser sa route (car la voir était trop difficile j’ai mis du temps avant de pouvoir anticiper mon émotion et reprendre mes esprits), en un mot l’oublier, enfin tenter de l’oublier ou plus sincérement y croire tout simplement. Le temps passe, plus de deux ans déjà.
L’organisation était en place, les cicatrices présentes mais la douleur absente. Cette histoire inachevée, cette femme que je ne cessais d’aimer. Pourtant j’ai tendance à tourner la page rapidement, ne jamais s’arrêter pour avancer plus vite et découvrir les autres, les univers, les sensations, les joies, les sourires, les baisers partagés très haut dans les nuages. Continuer à être moi en existant par mes expériences.
Puis ce livre. Cette histoire. Anodine.
Je viens de le finir, étrangement j’ai parcouru les lignes avec une vitesse déconcertante, sans oublier que toutes les pages tournées me faisaient penser à elle. Je n’ai pas eu le temps de lui écrire, je n’en aurais jamais l’occasion, il me sera impossible de lui traduire mes émotions, c’est la vie, c’est ainsi, mais je pense à elle, je pense à elle en continuant à croire en ce que je vis et vivrais demain sans elle. Ce n’est pas triste. Elle me manque c’est tout et c’est aussi simple que ça. Il fait chier ce livre.
« j’ai décidé de t’écrire, plutôt que rien. Plutôt que de rester là, comme ça, dans le silence.
Que je te dise : je me suis honnêtement sérieusement essayé au silence, je l’ai endossé comme on se glisse dans un vêtement, je m’y suis livré comme on accepte une astreinte. Je l’ai fait d’abord pour moi, ne t’y trompe pas, c’était égoïste, même s’il m’a coûté. Mais le rien-dire ne sauve pas, enfin disons que, moi, il ne m’a pas sauvé…. »
Philippe Besson Se résoudre aux adieux.