J’ai longtemps hésité à écrire ce billet. Pas par crainte, mais parce que dès que l’on parle du livre de Stéphane Hessel, l’interlocuteur en face de vous (dans plus de quatre-vingt-dix pour cent des cas, même lorsqu’il ne l’a pas lu) semble renvoyer par son regard une idée du type « ce livre à tellement changé ma vie qu’il est plus puissant qu’on ne le pense ».
Je n’ai rien contre Stéphane Hessel, j’aurais même du respect pour le parcours de l’homme. Même si ses choix parfois me laisse plus septique (servir l’Etat, en tant qu’ambassadeur ou autre, en tout temps, est un choix, à ce niveau de responsabilité là, pas une obligation…). Mais l’homme de 94 ans bientôt ne m’énerve pas plus que cela.
Seulement, son livre, lui, me pose question. Soit je suis trop politisé depuis des années pour trouver dans ce livre un réel sursaut, soit je n’arrive pas à lire ce livre en faisant abstraction de l’auteur et de ses prises de positions. Autant je peux adhérer à une partie de l’indignation (une grande partie) soulevée dans le livre, autant je trouve cela un peu court. Oui ce livre brosse des sujets d’indignations, mais jamais, au grand jamais, de révolte. Tout au plus appelle-t-il à un esprit de résistance.
Et c’est là que le bas blesse pour moi : indigne toi, ok, mais ensuite, n’oublie pas de voter, de protéger l’état et la pyramide hiérarchique du monde… Et pourquoi pas d’ailleurs une sorte de gouvernement mondial, hein ? Etrange cette impression poste lecture (je l’ai lu pourtant trois fois)…
Et puis il y a Hessel : son soutien à Hulot (l’ami du patronat), puis à Aubry (la femme des 35h certes, mais surtout du gel des salaires et de la flexibilité offert au patronat) et maintenant Hollande… Ou pourquoi pas Bayrou. Bref une girouette, plus sociale démocrate / sociale libérale qu’autre chose. C’est donc ça, l’indignation, de l’eau tiède ?
Oui ce livre va dans le sens du « bon poil » pour les progressistes, mais il ne va pas loin. D’ailleurs sa « suite », Engagez vous ! (dont je ne ferais pas de billet), termine de convaincre le plus réticent d’entre tous que Hessel est tout, sauf un révolutionnaire, et surtout qu’il n’a peur que d’une chose, l’effondrement de la pyramide du pouvoir, autrement dit, de l’abolition des classes. Une plus juste répartition, d’accord, mais pas non plus une juste répartition…
Alors que dire ? De ne pas lire ce livre ? Non, je ne dirais pas cela. De le lire pour se faire du bien ? Même pas.
Je dirais : faites ce que bon vous semble, lisez le ou pas, faites vous un avis. Mais je reste persuadé que ce n’est surement pas ce livre qui ouvrira la voie d’un grand changement. Tout au plus une envie d’Etat providence doublé d’une bonne dose de proportionnelle.
Désolé, je sais que ce billet ne plaira pas, mais c’est en toute sincérité ce que j’ai pensé de ce livre, et pense des positions de Hessel.