Le 17 février prochain, sort aux éditions Les moutons électriques le livre «Génériques!» qui, comme son nom l’indique fort bien, s’intéresse exclusivement aux génériques de nos séries
(américaines) préférées.
On doit cet ouvrage à l’excellent Eric Vérat,
journaliste et scénariste. Je me souviens encore avec bonheur de ses articles sur «X-Files» pour L’Ecran Fantastique – et surtout de la spectaculaire chute de qualité de la couverture de
la série par ce magazine quand il a cessé d’y être impliqué. Il est aussi à l’origine, avec son complice Benoît Lagane, des formidables émissions de France Culture consacrées aux séries : «Séries
télé: l’Amérique en 24 épisodes», «Séries télé: le monde en 25 épisodes», sans oublier «Séries télé, chroniques sur canapé» diffusée l’été dernier.
Bref, j’aime beaucoup le travail d’Eric Vérat. ‘‘Mais quand même,’’ pourriez-vous me demander, ‘‘un livre entier rien que sur les génériques ?’’. Eh bien oui! Et cela
fonctionne, parce que le générique est une formidable ouverture vers la série elle-même, vers l’industrie qui la fabrique aussi. Rapidement, «Génériques!» commence par exposer cette différence
cruciale: là où nous n’avons qu’un mot, ce très générique ‘Générique’, les anglo-saxons en alignent plusieurs, dont aucun ne désigne tout à fait la même chose: main title, opening
title sequence, opening credits...
Eric Vérat s’intéresse à tout cela, et donc à une multitude de sujets. Il décrypte les séquences génériques en elle-même, leur histoire et la manière dont elles reflètent l’évolution de la
télévision en général, et des séries en particulier, depuis les années 50. Il définit des grands genres, du générique de personnage au générique d’ambiance, et la manière dont ces genres
s’hybrident – par exemple dans le cas de «Friday Night Lights», qui tient à la fois de ces deux catégories. Il lève le voile sur les compagnies et les grands noms de la création de
générique, très peu connus non seulement du grand public, mais même des passionnés eux-mêmes. Il raconte comment la publicité qui grignote sur le temps de fiction a provoqué l’apparition des
génériques courts en vogue actuellement sur les Networks, tandis que le câble s’aventure dans des constructions de plus en plus complexes.
Les crédits, et surtout la manière – ordre, durée et moment de l’affichage – dont ils apparaissent est aussi riche d’enseignement sur les luttes de pouvoir qui se jouent en coulisse.
«Génériques!» décrypte donc ce qui se cache derrière ces nuées de producer qui apparaissent en début d’épisode. Le générique et ses normes est donc un bon moyen de décoder l’industrie qui produit
les séries.
Bref : les angles ne manquent pas, et suffisent largement à nourrir ces 125 pages, auxquelles s’ajoute un cahier qui passe en revue quelques-uns des plus importants génériques de série de la
télévision américaine (de «Dallas» à «CSI», de «Hill Street Blues» à «House», en passant par «Les Sopranos» et «The Wire»).
Pour des raisons de cohérence, et justement parce que derrière les génériques se cache une industrie dont il décrypte les fonctionnements, Eric Vérat s’intéresse quasi-exclusivement à l’exemple
américain. Mais sa réflexion -- une bonne série a-t-elle forcément un bon générique? Un bon générique peut-il habiller une mauvaise série? -- le pousse quand même à constater le retard
français dans ce domaine qui, évidemment, va de pair avec le retard de nos séries. Dans l’amas de séquences génériques bâclées et approximatives qui ouvrent la plupart des séries françaises, peu
de réussites surnagent en effet. Une seule, il me semble, se hisse au niveau des standards anglo-saxons, dans sa manière de suggérer subtilement ce vers quoi la série va glisser au fil de ses six
épisodes: celle qui ouvre la série «Les Oubliées» créée par Hervé Hadmar.
De Eric Vérat.
Les Moutons électriques. 17 février. 19€