On assiste depuis quelques jours à la plus grande manifestation de masse, en ligne, de l’histoire d’Internet. Blocages de sites et pages endeuillées ont obtenu quelques résultats : les très contestées lois SOPA et PIPA ont été repoussées. Et ce n’est pas une mince victoire.
L’ampleur de la mobilisation en ligne de ces derniers jours est sans précédent ; à tel point que le congrès américain a repoussé le vote de ses lois anti-piratage pour en modifier le contenu. Les soutiens à ces lois se retirent un à un, d’autant que la fermeture de Megaupload les a rendues encore plus impopulaires. En France comme ailleurs, de plus en plus de formations politiques s’affichent plus fermement pour la neutralité du Net.
Mercredi, de nombreux sites Internet s’étaient parés de noir en signe de contestation. D’autres encore comme Wikipédia se sont carrément rendus inaccessibles aux Etats-Unis. Puis la fermeture sans jugement de Megaupload est devenue le fer de lance de la contestation contre ces lois. Elle a cristallisé la colère et le mouvement s’est étendu dans le monde entier, englobant notamment les lois Hadopi ou son équivalent Belge.
Le coeur du message est que les gouvernements, au nom de la lutte contre le piratage, acceptent que les industries de la culture, autrement dit les Majors, s’érigent en principaux censeurs du Net. Avec des outils comme les technologies de filtrage. Soit les fournisseurs d’accès Internet ont l’obligation de bloquer l’accès aux sites que les ayants-droits jugent contrevenants, soit ils ont carrément la possibilité d’analyser ce qui se transfert sur Internet pour juger de ce qui est permis ou non. C'est-à-dire leur accorder un droit de regard sur tout ce qui s’échange. Ce serait sacrifier l’indépendance d’Internet au profit unique de l’intérêt financier de quelques Majors.
Ce qu’est en train d’obtenir Anonymous et les internautes en général, c’est une victoire dans le maintient d’un Internet libre et neutre. L’ampleur de la contestation et les dégâts potentiels ont montré que s’attaquer à la neutralité et à l’indépendance d’Internet ne se ferait pas sans douleur.
Outre cette démonstration de force, les Anonymes tentent de faire passer un autre message : la culture se partage, et ce n’est pas cet échange libre qui la met en danger. Ni la culture, ni l’industrie culturelle. En s’attaquant aux Majors, ils ont mis à dispositions quelques informations intéressantes. Ils ont notamment publié 560 documents glanés sur les serveurs d’Universal. Pascal Nègre, le PDG d’Universal Music France, est certainement l’un des plus grands pourfendeurs du piratage expliquant que cela met en péril « la culture ». Pourtant en 2005, âge d’or du P2P avec Kazaa et Emule, les résultats d’Universal sont étonnants pour une entreprise en péril :
• Résultat net ajusté 2005 de 2 078 millions d’euros, en hausse de 55%.
Résultat d’exploitation de 3 746 millions d’euros, en hausse de 14 % en base comparable, grâce à la bonne performance de tous les métiers. Résultat net de 3 154 millions d’euros.
Dividende de 1 euro par action, en hausse de 67% (soit un montant total distribué aux actionnaires de 1,15 milliard d’euros)
Et comme le pointe Reflets, on trouve également chez Universal un beau travail « d’optimisation » dans des paradis fiscaux…
Les manifestations en ligne se poursuivent. Après le site du FBI, les Majors, l’Elysée, la Maison Blanche et les ayants-droits, Anonymous entend continuer l’opération et espèrerait même bloquer la bourse de New York.
Partage et business de la culture
Les Majors se méfient de la dématérialisation car c’est la porte ouverte aux indépendants. Lorsqu’ils vendent un disque en magasin, leur marge est assurée et l’artiste a besoin de leur chaine de production, de promotion et de distribution. Internet chamboule le tout : n’importe qui peut, avec un peu de matériel, enregistrer et vendre ses MP3. Quant aux offres légales, les Majors sabotent les initiatives de Deezer par exemple, car leurs marges y sont beaucoup plus faibles. C’est pourquoi l’industrie de la culture laisse un vaste espace libre aux initiatives malhonnêtes comme Megaupload qui s’est fait, rappelons-le, 175 millions de dollars. Preuve que les Internautes sont prêts à payer, mais raisonnablement, pour la culture en ligne.
Seconde idée reçue à démonter, ceux qui partagent la culture en ligne sont parmi les plus gros consommateurs de biens culturels. Ils partagent, essayent et lorsque ça leur plait, ils achètent. Ce que prouvent une grosse vingtaine d’études rassemblées par la Quadrature du Net.