Je ne suis inconditionnel de personne, ni d'aucune idée préconçue, et donc pas inconditionnel non plus du pouvoir actuel en France, même si tout le monde aura compris, en me lisant, que j'y ai mis depuis de longs mois déjà, et même avant l'élection présidentielle, certains espoirs pour notre pays et pour ses habitants...
La philosophie générale du programme électoral du candidat, et celle qui se dégage des premières actions du président élu et de son gouvernement, est dans le droit fil de celle dont je me réclame, celle du libéralisme, mot dont la signification est quelque peu différente de ce qu'en pensent un certain nombre de "penseurs", de gauche essentiellement. Je ne vais pas revenir ici dans le détail sur cette signification, et je me bornerai à redire que la racine en est le mot "liberté", mot qui lui-même fait les choux gras des mêmes "penseurs" anti-libéraux : cherchez l'incohérence...
Comme lors de toutes les immédiates après-élections présidentielles, on a pu constater dans les sondages d'opinion ce qu'il est convenu d'appeler un "état de grâce" au bénéfice du nouveau président et de son équipe. En outre, la forme de la campagne électorale, jugée tapageuse par certains et que je qualifierais simplement pour ma part d'efficace et de volontariste, a provoqué dans la même opinion des sentiments de confiance et d'espoir jamais atteints depuis l'arrivée au pouvoir du général De Gaulle en 1958. A tel point que certains journalistes, en mai dernier, sont allés jusqu'à émettre l'idée que cet "état de grâce" serait beaucoup plus long que d'ordinaire. On constate aujourd'hui qu'il n'en est rien, et que la cote de popularité tant du président que du premier ministre sont en déclin.
C'est que chaque médaille a son revers, et l'engouement suscité, sous l'éclairage de l'importance des réformes annoncées et du volontarisme dont je parlais plus haut, engouement pour le discours nouveau et pour les idées défendues, engouement générateur d'espoir dans une vie sociale et économique enfin modernisée et dans une amélioration des conditions de vie, cet engouement a généré tout naturellement un énorme sentiment d'impatience qui n'a fait que progresser au fil de ces quelques mois écoulés depuis l'élection.
Mais l'ampleur de la tâche est si énorme, les réformes à entreprendre sont si profondes, les précautions à prendre avant leurs mises en oeuvre si indispensables, la concertation si indispensable elle aussi pour préserver, autant que faire se peut, la "paix sociale", que chacun aurait bien dû s'attendre dès le départ à ce que les choses ne se fassent pas en quelques mois. Je suis d'ailleurs absolument persuadé pour ma part que les plus bruyants parmi ceux qui hurlent au loup aujourd'hui, en sont parfaitement conscients, et qu'ils ne font qu'exploiter à leur avantage, dans l'optique notamment des élections municipales de mars prochain, l'impatience palpable dans l'opinion, notamment sur le sujet du pouvoir d'achat, mais que leurs propos ne fait qu'amplifier. C'est ce que l'on nomme couramment la démagogie.
Je le répète, je ne suis pas un inconditionnel du pouvoir en place, mais je veux rester cartésien, et je ne peux que lui prêter ma confiance. Cette confiance, toutefois, n'est pas, elle non plus, inconditionnelle, et si je ne suis pas de ceux qui exigent abusivement des résultats déjà concrets, il n'en reste pas moins que j'attends des actions qui doivent l'être, concrètes, et qui doivent aller au fond des choses, courageusement en sans soumission aux pressions d'aucune sorte.
Je dois à la bonne foi de dire que, d'une part, les choses ont commencé à bouger dans le bon sens, du service minimum dans les transports à la réforme bien engagée du code du travail en passant par les premiers balbutiements de la réforme de la justice ou celle des universités, mais que d'autre part, sur bien des points, les textes ne vont pas forcément "au fond des choses", et que pour un citoyen lambda comme moi, le gouvernement a pu donner l'impression de reculer face à ses contradicteurs. Reculer pour mieux sauter ? Espérons-le.
Pour le reste, des commissions sont au travail et certaines, comme la commission Attali, sont sur le point de rendre leurs rapports. Les rapports de ces différentes commissions sont attendus pour élaborer les réformes concrètes à mettre en oeuvre dans nombre de domaines. La mise en application effective de ces réformes ne pourra se faire ensuite qu'après débats à l'Assemblée et au Sénat, et les résultats concrets ne pourront être ressentis que plusieurs mois au minimum, pour certaines d'entre elles au moins, après leur mise en oeuvre effective. Ceux qui disent le contraire sont soit des menteurs, soit des illuminés. A eux de choisir...
Pour ne parler que du pouvoir d'achat, il aurait certes été plus efficace sur le très court terme d'injecter dans l'économie des sommes que le Trésor Public ne possède pas, et qu'il aurait donc fallu à la fois exiger des entreprises et puiser dans un alourdissement du déficit budgétaire déjà abyssal. C'est la solution qui a été privilégiée à plusieurs reprises dans le passé, et qui n'a conduit, évidemment, qu'à une légère amélioration passagère et à une forte aggravation de la situation économique, elle-même génératrice de moindre production de richesses, d'inflation et de chômage, et donc de diminution mécanique du pouvoir d'achat...
Les solutions envisagées prennent le contrepied de cette façon de faire, et se proposent de réformer les flux économiques et financiers, les comportements, les méthodes de gouvernance, tant dans le privé que dans les administrations, de manière à permettre une réelle expansion, un réel dynamisme, et en bout de course une meilleure répartition des fruits d'une expansion enfin conforme à celles des autres pays comparables. Le taux d'expansion moyen dans le monde, en 2007, est de l'odre de 5% (14 % en chine, 18 % en Inde), alors qu'il n'est que de l'ordre de 2 % en France. Il n'y a aucune raison objective à ce phénomène, et des réformes structurelles indispensables peuvent et doivent conduire à redresser la barre. Mais il s'agit d'une action qui ne peut être menée à grande vitesse et sans réfléchir...
En résumé, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. La précipitation, c'est l'action dans l'urgence électorale qui mène à de la "poudre aux yeux" et qui ne ferait qu'aggraver une situation déjà désastreuse. Une vitesse saine, c'est l'action efficace, en profondeur, mais réfléchie et concertée.
En attendre les résultats au bout de 8 mois, ce serait cette "poudre aux yeux" dont je parle plus haut. Attendre ces résultats sur la durée de la mandature, ce qui a été la promesse électorale de l'actuel président, c'est la sagesse. Elle n'exclue pas l'exigence de résultats, mais pas à 15 % du parcours... Elle n'exclue pas non plus la vigilance. Mais elle exclue la mauvaise foi.