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Le revers des lunettes

Publié le 24 janvier 2012 par Corboland78

Dans la vie il y deux sortes de gens, ceux qui portent des lunettes et les autres. Comme vous pouvez le voir en haut à gauche de cette page j’utilise cet accessoire. Je suis donc très bien placé pour dire que les binocles, même si je les remercie pour leur aide constante dans ma vie de tous les jours, savent être très agaçantes quand elles s’y mettent.

J’entends déjà le chœur en arrière plan s’époumoner sur l’air des lampions et lâcher sa tirade piquée à Céline, « Alors encore l’écouter jérémiader au surplus, c’était vraiment trop ». Qu’importe, les chiens aboient, ma caravane passe.

Parmi les lunettés, là encore on trouve deux catégories, ceux qui les mettent en permanence et ceux qui n’y ont recourt que ponctuellement. Les seconds auront peut-être moins d’occasions de se plaindre, si ce n’est – comme je l’ai vu, de mes yeux vu – chercher ses lunettes en affolant la maisonnée, alors qu’icelles sont sagement suspendues sur leur poitrine attendant qu’on les replace sur un nez devenu perchoir. Pire encore, les chercher quand on les a déjà arrimées …

Venons-en aux bigleux professionnels équipés de prothèses optiques qu’ils ne lâchent qu’au coucher et sous la douche, comme c’est mon cas. Le plus énervant c’est a buée. Il fait très froid dehors, vous entrez chez le boulanger pour acheter votre baguette (ou autre chose, là n’est pas la question), à peine la porte refermée derrière vous, un brouillard intense vous bouche la vue. Où est la boulangère, où se trouve la caisse ? Vous tentez d’essuyer vos carreaux, mais il faut retirer vos gants, manque de chance vous avez votre sacoche à la main car vous revenez du boulot, et puis il faut aussi trouver votre monnaie pour payer le pain que vous devinez vous tendre la commerçante, tandis que dans votre dos on annonce la commande suivante. A l’aveugle vous combinez toutes ces manœuvres et ressortez ahuri de ce court instant de flou total ; vite, faire un inventaire rapide avant de s’éloigner, les gants sont aux mains, les lunettes sur le pif, la sacoche dans une pogne et le pain sous le bras, quant à la monnaie, vous espérez que le compte rendu est bon, les pièces sont au fond de votre poche.

Mais la buée ne sévit pas que chez les autres, at home elle peut vous attaquer sournoisement. Le plus couramment, dans la cuisine. Les nouilles sont cuites, vous retirez la grosse casserole du feu et pour égoutter les spaghetti (ça fait pareil avec les macaronis, remarquez) vous soulevez le couvercle, un nuage de vapeur d’eau s’en échappe à une vitesse hallucinante et vous saute au visage comme un Rottweiller mal luné, vous vous retrouvez lunettes embuées, visibilité nulle, avec votre casserole dont vous ne savez plus que faire.

Et là, je tiens à souligner la malignité vicieuse de cette buée, car prévoyant le coup j’ai ouvert la fenêtre afin de créer un appel d’air et parallèlement j’ai écarté mon visage en tenant la gamelle à bras tendus, mais même ainsi, la vapeur trouve le chemin de ma gueule. A chaque fois. C’est agaçant. Et cette buée une fois évaporée, n’est pas partie pour autant, elle laisse des traces sur les carreaux. Toutes ces traces obligent à se nettoyer la paire, hum ! hum !

Le nettoyage est lui aussi un grand moment, ne pas empoigner les verres trop fortement sinon ils vous restent dans les doigts, ça arrive. Lancé dans le récurage de l’objet, vous êtes vite tenté d’aller gratter entre carreau et support, endroit inaccessible où la saleté aime particulièrement s’incruster. Pour ce faire, il faut libérer le verre en dévissant une vis tellement minuscule qu’il faut avoir un tournevis particulièrement petit ainsi qu’une paire de lunettes sur le nez pour voir ce que l’on fait. Manque de pot, à cet instant vos lunettes sont entre vos mains ! Dieu merci, les opticiens se chargent du boulot gracieusement.

Comme vous le voyez - je m’adresse à ceux qui ne portent pas de lunettes - la vie cachée du binoclard n’est pas une sinécure et je n’ai retranscris ici que les principaux inconvénients liés à la situation, la liste pourrait s’allonger encore. Comme le disait la morale d’une fable de Florian « Chacun de nous a sa lunette / Qu’il retourne selon l’objet : / On voit là-bas ce qui déplaît / On voit ici ce qu’on souhaite ». 


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