Il n'avait pas prévu d'être exclu d'une campagne qu'il fait semblant d'ignorer par François Hollande.
Vingt-quatre heures après le discours du Bourget, les perroquets de Sarkofrance montraient qu'ils ne savaient plus réagir quand leur mentor était absent.
Perroquets orphelins
Lundi, quelques ténors avaient encore été envoyés au front riposter contre le meeting jugé réussi de François Hollande. La riposte resta maladroite. L'UMP paniquerait-elle ?
A défaut de tacler Hollande, la droite UMP s'attarda d'abord sur Yannick Noah qui avait ouvert le meeting du candidat socialiste par trois chansons, et son litige à 580.000 euros avec le fisc. Quand on sait que la femme de l'ancien trésorier de l'UMP conseillait les placements de la première exilée fiscale de France, la critique prêtait à sourire. En novembre dernier, on avait d'ailleurs appris que le fisc ne porterait pas plainte contre Liliane Bettencourt. La milliardaire avait décidé de régler ses arriérés.
Sur France Inter le matin, Henri Guaino peinait. Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy critiqua « un discours manichéen », « le bien contre le mal, la droite contre la gauche » à moins que ce ne fut l'inverse. Il voulait dépeindre François Hollande en un affreux gauchiste « partisan », fut le terme employé. Il semblait démoralisé. Il aurait demandé à Charles Pasqua de s'impliquer dans dans la future campagne de Nicolas Sarkozy. Le soir sur iTélé, il s'était à peine mieux préparé.
Sur France Info, Bruno Le Maire préférait utiliser un argument de Giscard contre Mitterrand, en qualifiant Hollande d'homme du passé. Sur BFM, la ministre Valérie Pécresse parla d'un « numéro d'illusionniste » . Mauvais joueurs, les deux ministres critiquèrent l'absence de chiffrage, alors qu'ils savaient pertinemment que ce dernier avait été annoncé et prévu pour la fin de la semaine.
Jean-François Copé comme François Baroin préférèrent moquer la critique du candidat socialiste contre le monde de la finance. « C'est aussi idiot que dire je suis contre la pluie, je suis contre le froid ou je suis contre le brouillard » expliqua Baroin. Pas sûr que dépeindre Nicolas Sarkozy en candidat des marchés soit une excellente idée. Et que n'a-t-on entendu, à l'automne 2008, contre les banquiers et les traders !
Fidèle à sa ligne, Jean-François Copé accusa Hollande de manque de courage. Le député-maire évite le débat et préfère l'insulte ad nominem. On devine comment l'ex-avocat d'affaires supporterait qu'on le traîte de couard ou de larve.
La palme de la critique la plus précise et la plus stupide revient au même Jean-François Copé. Interrogé par un Figaro que l'on sentait inquiet ce lundi sur la critique de Hollande contre la décennie de déficits accumulés par la droite, le secrétaire de l'UMP répliqua: « En cinq ans, la dette a augmenté de trente points aux États-Unis, de trente-quatre points en Grande-Bretagne, contre vingt points seulement en France. » L'ancien ministre du budget oublie de préciser que les Etats-Unis partaient de plus bas (environ 35% du PIB pour les administrations centrales, jusqu'à l'éclatement de la crise en 2008/2009). En France, la dette a bondi dès ... 2002.
Sur le retour de Guyane, un conseiller du Monarque confia à l'envoyée spéciale du Parisien: « si Nicolas veut réunir 80.000 personnes au Stade de France, il peut ! ». Réaction de cour d'école ?
Nicolas Sarkozy dépassé
Mardi 24 janvier, en vrac, l'UMP a prévu de distribuer quelque 6 millions de tracts contre le programme de François Hollande qu'elle ne pensait pas connaître aussi vite et la défense du bilan de Nicolas Sarkozy. Six millions de tracts, vous avez bien lu. Cette débauche de moyens illustre l'ampleur de la panique.
Rappelons que l'UMP n'a officiellement toujours pas de candidat.
L'argument principal ? « C'est un fait incontestable : la France a mieux résisté à la crise que la plupart des pays développés ». Un fait incontestable ? Le point de comparaison des ténors de Sarkofrance est une Grèce surendettée. Et la France n'affiche même pas d'équilibre budgétaire à la différence de l'Italie. En panique, Nicolas Sarkozy s'abrite derrière un filet social avec lequel il voulait « rompre ». Quel courage.
De retour de Guyane, Nicolas Sarkozy devait reprendre les choses en main. A Cayenne, il n'a pas écouté le discours de Hollande. Il voulait encore minimiser le meeting de Hollande. L'un de ses conseillers confia que l'élection, selon Sarkozy, « se jouera sur un discours, quelques propositions et un tempérament que les Français jugeront ou pas adapté à la situation, sur celui qui rassurera. » . Il resterait convaincu que rien ne sert de se déclarer avant mars. Pourtant, à Paris, la pression est forte. Le journaliste Michael Darmon, sur itélé, croyait savoir que l'état-major de l'UMP aimerait que le candidat Sarkozy avoue sa candidature le 15 février au plus tard. A Rennes, un leader UMP local a appelé à une alliance Bayrou/Sarkozy dès le premier tour.
Le second problème de Nicolas Sarkozy est qu'il fallait réagir sur le fond. Mais les fiches n'étaient pas prêtes. Il fallait éviter que le candidat socialiste n'organise le débat sur ses propositions. Dimanche, François Hollande avait en effet lancé une large salve de propositions, dont nombre d'entre elles pointaient directement sur les échecs de Sarkozy.
Mais la machine sarkozyenne n'était pas préparée à tacler aussi largement. Quand François Hollande énonçait ses propositions une à une, les sbires de Sarkofrance fondaient sur lui pour dégommer l'idée, disqualifier tout débat.
Personne à l'UMP n'avait prévu de répliquer aussi finement.
Même pour se défendre, finalement, ces gens-là sont incompétents.
En rentrant de Guyane à bord de son Airbus présidentiel lundi, Nicolas Sarkozy n'avait finalement qu'une question à trancher: qui devait-il virer de son équipe de campagne ?