Je suis né en novembre 1981. A l’époque, les spectateurs français venaient de rencontrer sur grand écran Indiana Jones pour la première fois. Il avait débarqué un jour de septembre et avait enthousiasmé plus de six millions de spectateurs. Lorsque j’ai grandi, l’archéologue aventurier créé par Steven Spielberg et George Lucas est devenu un de mes héros hollywoodiens favoris, si ce n’est LE favori. J’ai regardé encore, et encore, et encore les films en vidéo, usant les VHS et le magnétoscope jusqu’à épuisement, partant aux quatre coins du monde avec Indy, rêvant que plus tard, moi aussi je parcourrais le monde et chasserais les trésors en faisant se pâmer les filles.
Trente ans plus tard, mon quotidien ressemble finalement assez peu à celui dont je rêvais en regardant les aventures d’Indiana Jones sur ma télé (à ma grande surprise ! - cependant je suis encore jeune, je ne perds pas espoir !), mais ma passion pour l’aventurier et ses pérégrinations archéologiques sont intactes. Trente ans plus tard, la Cinémathèque Française rend hommage à Steven Spielberg en programmant l’intégralité de son œuvre, dont ce film qui a le même âge que moi, le premier des Indiana Jones. Trente ans plus tard, voici que s’est donc présentée l’occasion de découvrir sur grand écran Les Aventuriers de l’Arche Perdue.
Les séquences emblématiques du film se bousculaient dans ma mémoire tandis que je faisais la queue près de quarante-cinq minutes en avance (il faut bien ça pour être sûr d’avoir les meilleures places…). Le boulet rocailleux dévalant la grotte de la scène d’ouverture aux trousses de notre aventurier préféré... Le nazi se brûlant la main sur le médaillon de Marion... Le « Love you » inscrit sur les paupières de l’étudiante... La chambre égyptienne grouillant de serpents... Indy dégainant son flingue plutôt que son fouet face au bad guy armé d’un sabre… Et tant d’autres encore. L’excitation, dans cette file d’attente, était aussi intense que si j’étais sur le point de découvrir un nouveau film de Terrence Malick ou Bong Joon-Ho.
Christophe Gans était dans la queue lui aussi, aussi curieux que nous tous de voir la première aventure d’Indiana Jones dans la belle salle Henri Langlois de la Cinémathèque. Lorsque les portes se sont ouvertes et que les premiers spectateurs se sont installés, l’excitation était palpable à la capacité des cinémaniaques probablement habitués des lieux à se crêper le chignon à peine installés, comme ceux du premier et second rang ayant vite fait monté le ton (l’un alpaguant l’autre en lui balançant un « Vous êtes alcoolisé ?! » ayant été peu apprécié par l’incriminé…). Mais lorsque la lumière s’est éteinte et que le logo (cuvée 1981) de la Paramount est apparu à l’écran, la tension est retombée, et tous les spectateurs de la salle ont retenu leur souffle en découvrant les premières images. La copie n’était pas exceptionnelle, mais c’est le fait de le voir (enfin !) sur grand écran qui comptait plus que tout. Le voir ici, à la Cinémathèque, entouré d’admirateurs de toujours réagissant aux mêmes instants que moi, riant, sursautant et jubilant en tempo, laissant le pouvoir d’Indiana Jones prendre possession de nos corps de cinéphiles transis d’amour pour le personnage culte.
A l’époque, Steven Spielberg écrivait une page historique du cinéma d’aventures et Harrison Ford entrait définitivement dans la légende des acteurs charismatiques. Et trente ans plus tard, le charme opère toujours. Le cœur palpite, le souffle est court, les rires fusent. Trente ans plus tard, ceux qui sont nés en 1981 peuvent se féliciter d’avoir vu le jour la même année qu’Indiana Jones, aventurier de l’Arche perdue. Moi le premier.