[Critique DVD] 24/01/2012Tu seras mon fils

Par Gicquel

L’image de Jean Gabin. Le comédien de « L’Affaire Dominici», de « La horse » et de deux ou trois autres films, certainement, qui ne me reviennent pas en mémoire.L’image d’un patriarche, droit dans ses bottes, le cœur aussi dur que la terre qui l’a vu naître. Niels Arestrup n’est pas Gabin, mais très rapidement, à mes yeux une filiation s’est imposée. Un personnage de cinéma (ou de roman) comme on n’en voit plus et que Gilles Legrand filme sans nuance. Le visage qui déjà n’est pas  tendre repose sur de larges épaules et un esprit étroit .Cet homme sans retenue, Paul de Marseul, est le maître d’un prestigieux vignoble à Saint Emilion, le maître de la propriété et de ceux qui y travaillent.Son régisseur, à qui il doit une grande partie de sa réputation, découvre peu à peu, ce patron omnipotent pour qui, même un cancer en phase terminale, n’interdit pas un p’tit coup d’œil aux vendanges à venir.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Patrick Chesnais, endosse finement ce rôle là encore peu commun dans le cinéma actuel .Et le mène à son paroxysme, quand l’avenir du domaine viticole se jouera entre leurs deux fils. Paul de Marseul, ne supporte pas l’idée que  Martin puisse un jour lui succéder. A ce crétin, sans envergure, qu’il méprise, il préfère Philippe, de retour du vignoble californien.

La  guerre souterraine qui s’engage alors, avec ses chausse-trappes et ses retournements de situations, sera sans pitié. De la veine de cette écriture totale, très appuyée  (le réalisateur co-signe le scénario avec Delphine de Vigan ) dans laquelle chaque comédien  puise avec envie  les ressources pour habiter chaque personnage. Et la caméra toujours à l’affût, mais jamais manichéenne, n’a plus qu’à peaufiner les portraits, jusqu’alors hachurés.

Entre le père et le fils, Philippe (Nicolas Bridet ) le fils putatif...

Celui de Lorànt Deutsch, en gamin fracassé m’a personnellement bien atteint. Sa gentillesse naturelle confine parfois à la naïveté, excusant un tantinet ce père si détestable que Niels Arestrup, endosse avec une vérité désarmante. L’histoire secrète de Paul de Marseul révélée au fil de quelques cuvées et grands crus, dégustés, peut-elle, (doit-elle) excuser un tel comportement ?

Les femmes ( Anne Marivin,Valérie Mairesse ,parfaites )observent, souvent impuissantes la partie d’échecs qui se joue. Le roi est encore bien en place .Mais pour damer son pion, Martin n’a désormais plus rien à perdre.

 LES SUPPLEMENTS

  • Les scènes coupées

Elles sont assez nombreuses, assez courtes aussi, et les commentaires du réalisateur, très intéressants. Il a supprimé des séquences qui « fragilisaient encore plus Martin » mais celle  de l’orthophoniste est marrante. D’autres étaient trop explicatives, «  ou alors on n’allait pas dans le sens de l’histoire ».
A les revoir, il a maintenant des regrets d’en avoir supprimées certaines.
La scène de l’accident, dans son intégralité est intéressante à voir, avec ses explications  : de la vigne ainsi détruite méritait effectivement un commentaire.
La  fin alternative ne méritait pas d’être gardée effectivement ….

  • Retour au Clos Fournet

Sur les lieux du tournage, le film vu par les gens du milieu. Après quoi ça devient plus technique (les vendanges, la vinification, le monde du vin …) et plus prosaïque, la visite des caves

Anne Marivin, l'épouse de Martin. Un rôle qui lui va bien

  • Entretiens

Le réalisateur passe les acteurs en revue, et s’arrête particulièrement sur Niels Arestrup qui n’était pas prévu à l’origine. «  Mais je suis ravi du résultat, même si ce ne fut pas toujours facile. Je ne suis pas d’une grande adresse, il n’est pas forcément facile ; il avait intégré un personnage et il ne voulait pas que l’on le dévie de sa route, même sur un détail, il m’a souffrir, je l’ai fait souffrir, mais à la fin il m’a dit que j’avais bien fait d’aller au bout ».
Lorànt Deutsch est aussi de cette rencontre. Ecoutez-le … »C’est quand même un personnage minable, flétri, un martyre, ça me faisait peur ».