Sieste présidentielle

Publié le 23 janvier 2012 par Beniouioui

Zzz... Hollande sourit, Sarkozy bouge, Le Pen hurle, Bayrou murmure et moi... je m'ennuie. Quand nos candidats à l'élection présidentielle s'expriment, on dirait une musique de reggae sortie d'une radio grésillante dans une paillote sur une plage de Jamaïque. Je suis face à une mer calme. Pas un bruit. Le vide sidéral. Mais sans soleil. Allez, je vais reprendre un verre de punch. C'est le temps de la sieste présidentielle.

Zzz... Un peu plus loin dans le vrai monde, c'est la crise. Tout le monde nous parle de la crise financière et chacun y va de sa petite idée. Une taxe Tobin par ci, une TVA sociale par là. Un peu de régulation. Il y a même un Hollande qui annonce que son adversaire est le monde de la finance. Si quelqu'un comprend ce que cela signifie, je lui offre un avocat-crevette. J'écoute du reggae présidentiel mais je ne comprends pas les paroles. A côté de ma serviette, il y a un bouquin. Le Compendium de la Doctrine Sociale de l'Eglise. Il ne parle pas beaucoup de la finance mais il évoque des principes qui semblent essentiels comme le Bien Commun, la subsidiarité, la destination universelle des biens. Il défend le respect et la dignité de l'homme. Ca parait un poil plus profond quand-même. Sur la plage, il y a ceux qui crânent, ceux qui regardent les filles, ceux qui font du sport et ceux qui méditent. C'est le temps de la sieste présidentielle.

Zzz... Le monde de la finance, les gouvernements, l'Europe. Il y a plein de fautifs. Mais aucun des chanteurs présidentiels ne critiquent les électeurs. Vous me direz que c'est normal puisqu'ils veulent être élus. Mais avouez que c'est une spirale infernale. Ils ne critiquent pas les électeurs qui furent les premiers à quémander des mesures égoïstes. A sombrer dans une frénésie de consommation. A vouloir être riches. Certes, ils leur imposent un petit coup de rigueur mais ils font encore pas mal de promesses. Il y a quoi dans votre cocktail? Tous les fruits, y a tout monsieur. Y a la mangue, y a la papaye, y a le pamplemousse. Vous êtes sûr? Y a tout, c'est le meilleur du pays. Ah ok. C'est le temps de la sieste présidentielle.

Zzz... D'un autre côté, les guitaristes présidentiels combattent la crise financière. Certains combattent aussi la crise politique en Europe. Mais la crise morale, ça ne les effleure pas. Que les électeurs aient demandé des avantages dispendieux, ce n'est pas bien grave. Que les télespectateurs zappent entre le sexe, l'argent et la gloire, ce n'est pas plus grave. Que le mariage devienne un concept flou, ce n'est vraiment pas grave. Et si je me mettais nu sur ma plage? C'est le temps de la sieste présidentielle.

Zzz... Mariage homosexuel, union civile, reconnaissance sociale de l'amour. Plus personne ne sait ce qu'est le mariage. Même les hommes politiques n'ont pas lu leur code civil. Si le mariage reconnaissait l'amour, il serait Dieu. La reconnaissance de l'amour, c'est le mariage religieux. Le mariage civil reconnait socialement la famille, socle de la société, institution essentielle de notre pays. Dans ma radio grésillante, on me propose un mariage à la carte, des amours à droite à gauche, des enfants fabriqués. Pour me faire plaisir. Mais ceux qui gouvernent ne doivent pas faire plaisir, ils doivent aimer. Quand son enfant est chez Carrefour et qu'il veut tout acheter, sa maman qui l'aime, elle lui dit quoi? Moi, je pensais que nos hommes politiques qui nous aiment, ils nous diraient que des enfants éduqués, des parents fidèles, des frères et soeurs qui s'aiment, c'est utile à la société. Que c'est beau. Que le mariage et la famille sont des fondements multimillénaires justes, vrais et charitables. Mais nu sur ma plage à danser sur du reggae, je ne suis pas certain de fonder une famille éternelle, coeur de la civilisation de l'amour. C'est le temps de la sieste présidentielle.

Zzz... Cette civilisation de l'amour, je pensais que c'était le but de tous les pays. Oeuvrer pour le Bien Commun, co-créer le monde, rapprocher l'humanité de la Vérité. Il y a d'ailleurs des pays qui essaient de faire grandir leur peuple. Je les avais appelés les sociétés pionnières. Des pays régis par le droit et la raison, des pays de justice et de liberté, des pays mûs par une transcendance. Dja Sarkozy, Dja Hollande, Dja Bayrou, Dja Le Pen, tout ce petit monde semble jouer sans conviction une partition balourde de djembé. Le reggae a peut-être une vision particulière de Dieu mais il a une vision de Dieu. Viktor Orban a peut-être une vision discutable de la Hongrie mais il a une vision de la Hongrie. En pleine crise, ça n'intéresse personne d'avoir une vision de la France? Une vision de la société? Sommes-nous sur terre pour acheter des produits, relativiser le bien et le mal ou pour nous sanctifier? Pas de Dja (Dieu) dans l'horizon présidentiel, je vais me remettre sur ma serviette et le chercher dans mes songes. C'est le temps de la sieste présidentielle.

Ouh la la, je m'endors. La sieste m'ennuie, il faut que je bouge, que je cours, que je nage. Si nous voulons grandir, créer, aimer, nous libérer, il serait temps de nous réveiller, non?